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LA PREMIÈRE PLATEFORME COMMUNAUTAIRE DE
PARTAGE D'EXPERIENCE DEDIEE AUX DIRIGEANTS D'ENTREPRISE

Dernière modification le 10/09/2019

Comprendre La Culture du Japon pour Réussir en Affaires et Négocier

SOMMAIRE

Choc culturel - Negociation - Processus de Décision - Respect de la Hiérarchie - Religions - Valeurs qui découlent des Religions - Boudhisme - Hinayana - Mahayana - Shintoisme - Taoisme - Confucianisme - Logique de la pensée - Système d'écriture - Structure de la langue - Importance du Contexte - organisation communautaire - Appartenance - Notion de Groupe - Mura - IE - Impermanence - Uchi - Soto - BA - Gemba - WA - Harmonie - MA - Espace et Temps - Culture du Silence - Principe de Verticalité - Principe de Dépendance - Amae - Principe des Obligations Réciproques - Influence de la Mythologie - Amaterasu

 

Introduction: Les Deux Visions du Monde

1 - Le Japon dans ses relations avec l'Espace (« Oeil de Chair »)

2 - Le Japon dans ses relations avec le Temps  (« Oeil de Chair »)

3 - La Langue et les Modes de Pensée (« Œil de Raison »)

4 - La Religion, (« Œil de Contemplation »)

5 - Les Lois de L'Iintégration de L'Individu Dans la Société  (« Oeil de Raison - Le Relationnel »,)

6 - Les fondements de La Negociation au Japon

 

 

Si nous voulons réussir une négociation au Japon, nous devons respecter les fondements de la  culture du Japon.

 

1 - LES DEUX VISIONS DU MONDE

Avec la globalisation croissante de l’économie, nous allons nous trouver confrontés, pour la première fois dans l’histoire, à un monde asiatique dont la puissance économique devient comparable à celle de l’Occident.

Il s’agit de comprendre qu’aujourd’hui la  compétition va non seulement devenir plus intense, mais surtout va se dérouler entre des pays qui n’ont pas les mêmes conceptions philosophiques du monde, les mêmes rapports au temps, les mêmes conceptions de la place de l’individu dans la société, les mêmes logiques de pensée…et qui de ce fait ne vont pas respecter les mêmes règles du jeu. C’est une véritable rupture.

Jusqu’à présent, nous étions certes confrontés à une diversité culturelle mais celle-ci restait cantonnée dans un univers relativement homogène, celui des pays occidentaux. Nous sommes maintenant soumis à un choc culturel auquel nous ne sommes pas réellement préparés. La compréhension de la  dimension culturelle du Monde Asiatique devient ainsi tout à fait déterminante.

Les œillères imposées par la culture limitent notre vision du monde.
Nous sommes prisonniers de notre propre système spatio-temporel qui constitue notre héritage culturel particulier. La géographie a délimité des bassins culturels forts ou les paradigmes culturels se sont développés à l'abri des autres.

Le Monde contemporain nous dit E.T.HALL est dominé par deux grandes traditions totalement différentes :

« D'un coté, une vision du monde nourrie par le judéo-christianisme, la philosophie grecque et le droit romain basé sur une logique linéaire projetée sur l'extérieur ; de l'autre, une vision du monde nourrie par le Taoïsme, le Shintoïsme, le Confucianisme et le Bouddhisme tournée vers l'intérieur. »

Les Occidentaux sont linéaires-dialectiques, les Asiatiques sont cybernétiques. Ils sont dans un système global, circulaire, toujours en mouvement.
Le monde indo-européen ne bouge que par révolution des paradigmes.
Le monde asiatique bouge, lui, par évolution continue et une démarche d'équilibre.
 
 

 2 - « IL N’EST PAS VRAI QUE LE JAPON SOIT REELLEMENT OCCIDENTALISE » (UMESAO TADAO)

« On parle d’occidentalisation mais c’est là une simple apparence car les éléments fondamentaux  de la civilisation japonaise n’ont subi aucune altération »

«  La civilisation japonaise, à première vue, ressemble à la civilisation occidentale, mais en fait, elle est radicalement autre.
Il n’est pas vrai que le Japon soit réellement occidentalisé »

« Le fort intérieur de l’homme japonais comporte des structures étranges que l’occidental ne peut même pas soupçonner et contient une masse de pensées et d’images qui d’un point vue occidental paraîtraient tout à fait bizarres et aberrants. C’est ainsi par exemple que dans l’esprit du japonais coexistent à égalité de droit, les images de divinités appartenant à plusieurs religions. Le Japonais est capable d’adhérer simultanément à deux religions ou plus. Que les mariages soient célébrés selon les rites shintô ou chrétien, que chaque année au nouvel an on aille faire ses dévotions au sanctuaire de quelques KAMI, et que les funérailles ou culte des ancêtres suive le rite bouddhique, voilà qui pour le Japonais est tout naturel et pas le moins du monde contradictoire.
Dans le cœur d’un japonais, toutes ces religions coexistent en strates superposées. Cette coexistence stratifiée d’éléments d’origines diverses est une caractéristique fondamentale de la culture japonaise. »

« L’occidentalisation de la civilisation japonaise n’est en fait qu’une mince pellicule extérieure superposée à la structure stratifiée qu’est l’esprit japonais. Si nos hôtes venus d’Occident s’imaginent vraiment que le Japon s’est occidentalisé, ils commettent une bourde monumentale. Toute cette accommodation, toutes ces politesses à la sauce occidentale ne sont pas autre chose, si je peux m’exprimer, qu’un dispositif d’accueil déployé à grand effort par les Japonais. C’est comme dans ces maisons japonaises où seul un salon est meublé à l’Européenne mais où toutes les autres pièces ont un sol recouvert de nattes et pourvu de deux autels domestiques, l’un dédié au Bouddha, l’autre au KAMI. »

« La civilisation japonaise est une civilisation d’une autre sorte qui, très loin de l’Europe, tout au bout de l’Orient, a suivi une progression parallèle. Dans la forme, les points de ressemblance sont nombreux mais dans l’esprit la différence est énorme. » (Source: "Le Japon à l'ère planétaire" Umesao Tadao - traduit et présenté par René Sieffert - Publication Orientaliste de France - page106)

Si nous voulons réussir une négociation au Japon, nous devons respecter les fondements de la  culture du Japon.

 

3 - AVEC QUELLES CLES DE LECTURE ABORDER LE MONDE ? "LES TROIS YEUX DE LA CONNAISSSANCE"  DE KEN WILDER

 

KEN WILDER, dans son livre  " LES TROIS YEUX DE LA CONNAISSSANCE",  nous rappelle que SAINT BONAVENTURE enseignait que les hommes et les femmes possèdent au moins trois moyens d'accéder à la connaissance, trois "yeux" :

- l’œil de chair, par lequel nous percevons le monde extérieur de l'espace, du temps, de la nature et des objets,

- l’œil de raison, par lequel nous acquérons une connaissance de la philosophie, de la logique et du mental (mind),

- l’œil de contemplation, par lequel nous nous élevons jusqu'à une connaissance des réalités transcendantes

("Les trois yeux de la connaissance, la quête du nouveau paradigme" - Ken Wilder - Edition du Rocher - 1987 pour la traduction Française)

Ceci correspond à la distinction faite entre :

- la Cogitatio, ou simple connaissance empirique. C'est une recherche des faits relatifs au monde matériel au moyen du seul "œil de chair",

- la Meditatio, qui est une recherche de vérité au sein de la psyché à l'aide de "l’œil du mental",

- la Contemplatio, est la connaissance par laquelle la psyché ou âme est unie à la divinité en une intuition transcendante révélée par "l’œil de contemplation".

Les "trois yeux" d'un être humain correspondent aux trois domaines majeurs de l'être décrits par la philosophie :

- le "grossier" (charnel et matériel),

- le "subtil" (mental et animique),

- le "causal" (transcendant et contemplatif).

Le COGITATIO, L’ŒIL DE CHAIR

Participe du monde de l'expérience sensorielle. C'est le « DOMAINE GROSSIER », celui de l'espace, du temps et de la nature ;
C'est le domaine partagé avec les animaux supérieurs (en particulier les mammifères) parce que les yeux de chair sont identiques.
(Si un être humain tend un morceau de viande à un chien, celui-ci réagit, ce qui n'est pas le cas du minéral ou du végétal).
Dans le domaine grossier, un objet n'est jamais A et non A, il est soit A, soit non A.
Une pierre n'est jamais un arbre. Un arbre n'est jamais une montagne.

La MEDITATIO, L’ŒIL DE RAISON ou du MENTAL

participe du monde des idées, des images, de la logique et des concepts. C'est le « DOMAINE SUBTIL ».


Le champ mental comprend mais transcende le champ sensoriel.
Par l'imagination, l’œil du mental est capable de se représenter des objets sensoriels qui ne sont pas présents physiquement.
Les mathématiques, la logique, et plus encore l'imagination, la compréhension conceptuelle, l'intuition psychologique, sont des domaines dans le cadre desquels nous voyons avec l’œil de raison des objets qui ne sont pas perceptibles à l’œil de chair.

La CONTEMPLATIO, L’ŒIL DE CONTEMPLATION

est à l’œil de raison ce que l’œil de raison est à l’œil de chair.

Le champ mental inclut et transcende le champ sensoriel. De même, la contemplation transcende la raison, le domaine mental.
La quête des philosophes n'a donc rien de commun avec celle des contemplatifs.

La science empirico-analytique appartient à l’œil de chair, la philosophie et la psychologie à l’œil de raison, la religion méditation à l’œil de contemplation.

LE RATIONALISME met l'accent sur l’œil de raison, l'EMPIRISME sur l’œil de chair.

 

Je vous propose d'aborder le JAPON dans

1 - Ses relations avec l'ESPACE Oeil de Chair »)

2 - Ses relations avec le TEMPS  (« Oeil de Chair »)

3 - La LANGUE et les MODES DE PENSEE (« Œil de Raison »)

4 - La RELIGION, (« Œil de Contemplation »)

5 - Les LOIS DE L'INTEGRATION DE L'INDIVIDU DANS LA SOCIETE  (« Oeil de Raison - Le Relationnel »,)

6 - Les fondements de LA NEGOCIATION au Japon

1 - LE JAPON DANS SES RELATIONS AVEC L'ESPACE

 

11 - L'ESPACE GÉOGRAPHIQUE ET PHYSIQUE

L’espace n’est pas seulement une donnée physique ou géographique. La façon de concevoir l’espace, de l’aménager, constitue aussi une donnée culturelle.

Un regard rapide sur une carte du Japon et permet d'en tirer 3 constats :

111 - L'ISOLEMENT EST L'UN DES FACTEURS ESSENTIELS DE LA SINGULARITE DE LA CIVILISATION JAPONAISE

Les îles japonaises sont très isolées.
Le seul pays vraiment proche est la COREE qui est à 200 km (Par comparaison, le Pas de Calais, c’est 30 km) Le continent chinois est à près de 800 km.
Les côtes sont inhospitalières sauf au sud en face de la COREE, qui a été de tout temps une voie d'accès vers la CHINE.


C'est par la COREE que sont arrivés l'écriture chinoise et le Bouddhisme.
L'isolement naturel du JAPON est ainsi beaucoup plus prononcé que celui de l'ANGLETERRE.

Il a, de plus, été renforcé par la fermeture complète du JAPON à l'occident sous le régime féodal des TOKUGAWA pendant 250 ans, de 1635 à 1854, à l'exception de NAGASAKI tout au sud du JAPON ouvert aux seuls HOLLANDAIS.

 

112 - L’INDIVIDU S'EFFACE DEVANT LE GROUPE FAMILIAL

Le JAPON a une superficie beaucoup plus petite que celle de la FRANCE, 380 000 km2 contre 550 000 km2.
Le JAPON a 120 millions d'habitants. La densité de population est de 325 habitants au km2
Mais la montagne occupe 71 % du territoire et les forêts en couvrent les 2/3.
Par rapport aux seules superficies réellement exploitables et habitables, la densité réelle est de 1400 habitants au km2 (la densité de population en FRANCE est de 104 h. au km2)

Les trois grandes agglomérations : TOKYO, OSAKA, NAGOYA regroupent 42,4 % de l'ensemble de la population japonaise. TOKYO a 12 millions d'habitants soit une densité de population de 14000 H au KM2.

Il y a donc un réel problème de manque d'espace qui conditionne la vie et le comportement des japonais.

Les maisons sont donc toutes petites, la famille est resserrée sur elle-même. On n'est jamais seul car il n’y a pas de place.
L'INDIVIDU S'EFFACE DEVANT LE GROUPE FAMILIAL. ON VIT EN GROUPE

 

113 - L'ESPACE EST VARIABLE, MODULABLE, CONVERTIBLE, CONTINU

Du fait, à la fois du manque d’espace et des risques de séismes, la maison traditionnelle est légère ; les cloisons sont coulissantes, amovibles, en bref, presque inexistantes, on les déplace, on les ouvre et on les ferme selon les circonstances et les pièces ainsi délimitées n'ont pas d'affectation définitive : on dormira dans la pièce du nord ou dans celle du sud selon que c'est l'été ou l'hiver. On pousse la table basse, on déplie les futons et la salle de séjour devient chambre à coucher (Exemple du Ryokan).
Il n’y a pas de limite précise, enfin, entre l'extérieur et le dedans de la maison : un vaste auvent l'entoure, qui se trouve à la fois "dedans et dehors". C'est une conception de l'espace que les Japonais appellent : "l'espace au-delà du mur". Il y a effet de transparence entre l'extérieur et l'intérieur.

Pour le Japonais, sa maison et la zone qui l'entoure directement constituent une indissociable totalité. A ses yeux, cette surface libre, ce fragment d'espace autour de la maison, fait partie intégrante de la demeure au même titre que le toit.
Il existe, d'autre part, une sorte d'indécision entre les espaces publics et privés. Les Japonais empiètent volontiers sur cet espace que, nous, occidentaux, appelons "public" : la rue.
Ils s'approprient souvent celle-ci.

Traditionnellement, la maison a un jardin, parfois minuscule, qui assure à l'occupant un contact direct avec la nature. Mais même si le propriétaire ou le locataire possède un jardinet à l'intérieur de la maison, il mettra toutes sortes d'arbustes, de plantes en pots dans la rue devant sa maison. Les habitants cherchent systématiquement à utiliser le moindre espace, même un interstice entre les maisons (qui ne sont jamais en principe mitoyennes).

Cette approche de l'espace se retrouve dans les entreprises :

Les bureaux sont toujours des bureaux collectifs. Il n'y a pas de bureaux individuels sauf pour les dirigeants de niveau élevé dans la hiérarchie.
Cet espace-ouvert facilite la communication et empêche l'appropriation par quiconque d'un territoire qui lui serait personnel.

Hiramichi NAKAMURA dans son livre, "Comment rendre une usine frugale en 18 mois", écrit :
" Les cloisonnements des lieux de travail empêchent la solidarité, engendrent des sureffectifs, déséquilibrent la charge de travail.
Si les employés sont dispersés dans des bureaux cloisonnés, personne ne prendra exemple sur l'employé zélé, et lui-même, s'il a terminé son travail en avance, n'ira pas aider les autres qui sont enfermés dans leurs bureaux."

 

114 - UN FORT SENTIMENT DE L'IMPERMANENCE DES CHOSES

Le JAPON fait partie de la "ceinture de feu du Pacifique" (séismes, typhons, montagnes inhospitalières, etc...)

Deux conséquences :

1 - Une crainte innée et un respect profond, devant les forces de la Nature ni maîtrisables, ni contrôlables, accompagné en même temps d'un réel sens de la gratitude. Car la même Nature qui peut être puissance de destruction peut être source de prospérité et de vie.

Dans les décennies 70-80, il y a eu 15 séismes au-dessus de 5,5 de magnitude. Le plus grand tremblement de terre, celui du KANTO a fait en 1923, 140 000 morts. Le séisme de KOBE de janvier 1995 a provoqué la mort de 6500 personnes, le séisme de FUKUSHIMA de mars 2011, suivi d’un tsunami géant, a fait 20 000 morts et 500 000 sans-abri.
On attend dans les années qui viennent le tremblement de terre du siècle.

Contrairement aux Occidentaux qui conquièrent la nature, les Japonais se sentent et se vivent comme une partie de la nature et non au-dessus d'elle.
La nature n'est ni maîtrisable, ni contrôlable. Elle demeure mystérieuse et les Japonais éprouvent "un sentiment d'humilité, de respect devant ce monde inconnu qui pourrait être assimilé à une forme particulière mais profonde de sentiment religieux"

Aussi étonnant que cela puisse paraître d'un pays aussi surpeuplé, une grande partie de la montagne japonaise, aujourd'hui encore, serait inexplorée.

C'est que le "Monde des Hommes " (le village et les terres cultivées qui l'entourent) s'oppose au " Monde des Dieux " que seuls fréquentent les ascètes et les moines.

Les forces de la nature sont vénérées dans la religion Shintoïste, seule religion purement japonaise, sous le vocable de Kami, (Les Kami sont les divinités Shintoïstes).

2 - Un fort sentiment de l'impermanence des choses et une volonté de survie qui pousse le japonais à vivre intensément le moment présent.
Le japonais n'a qu'un seul souci : SURVIVRE. "Nous, on veut survivre demain". Alors qu'est ce qu'on doit faire maintenant et ici, tout de suite et à fonds pour survivre ?
Il faut vaincre ce qui, dans l'environnement, menace la vie de tous les jours en se dévouant à son entreprise.


12 -  L'ESPACE SOCIAL

121 - L'INDIVIDU S'EFFACE DEVANT LA COMMUNAUTE

On peut opposer deux Japon :

- celui de l'Ouest, du riz, des bateaux, du Japon maritime et commercial, tourné vers le large, les cultures coréenne et chinoise,
- celui de l'Est, des chevaux, des samouraïs et de l'agriculture sur champs secs.

A l'OUEST: La riziculture inondée suppose un travail en groupe dans les rizières et une décision prise en commun pour la mise en eau des canaux d'irrigation.

C'est le rôle de la Communauté Villageoise "MURA" que d'organiser le travail collectif et de prendre ce type de décision.

« Le repiquage de la cinquième lune, c'était surtout l'affaire des jeunes gens. Par groupes de Yui, "ceux qui sont liés" pour l'entraide repiquaient tout le riz du hameau. Les garçons arrachaient les plants des pépinières ; les filles les repiquaient.

Le prêtre plantait un bâton en plein milieu de la rivière, et les" vierges du riz" comme on disait lui tournaient le dos pour partir en rayons dans toutes les directions, comme un soleil. Un orchestre jouait de la flûte et battait le tambour."

Ailleurs, le riz se repiquait en lignes droites marquées par des cordeaux. »

(Source: La Maison Yamazaki - Laurence Caillet - Edition PLON Terres Humaines)

Le terme YUI désigne des groupes communautaires d'entraide qui unissent toutes ou certaines maisons d'un même hameau. Ces groupes, constitués par les jeunes gens et les jeunes filles à partir de 17 ou de 18 ans et par les adultes, ont pour fonction d'organiser l'entraide agricole (repiquage du riz et moisson, notamment, mais aussi décorticage du riz, etc.) sur une base égalitaire.

Cette organisation communautaire s'est traduite de nos jours dans l'organisation des quartiers des villes japonaises.

Mais ces notions de communauté, de groupes de travail en commun ont aussi beaucoup influencé la structure des entreprises et la mentalité des salariés, d'autant que ce sont les MURA qui, lors de la création des grands groupes à partir de 1867, fournirent une grande partie du personnel des entreprises.

A l'EST,  ce n'est pas la communauté villageoise qui structure la vie quotidienne mais la cellule familiale élargie, le foyer, le IE est la structure sociale de base.

La "MAISONNEE", "IE", est constituée des personnes vivant sous le même toit,

 (les employés ou les servantes appartenaient au « IE », alors que les membres de la famille qui avaient quitté la cellule familiale pour fonder leur propre foyer en étaient exclus.)

La "Maisonnée" repose donc moins sur les liens du sang que sur le partage d'un même rôle économique. Ce qui est important ici, ce sont les relations humaines au sein du groupe familial qui priment toutes les autres relations humaines extérieures.

Ce système familial est basé sur l'autorité du père de famille comme dans la famille confucéenne. La "Maisonnée" était étroitement attachée à son chef et la désobéissance aux volontés de ce dernier pouvait entraîner la rupture des liens existants.
Le chef de famille se devait de préserver la lignée familiale des ancêtres, d'où une notion de pérennité de la maisonnée qui est fondamentale.

Lors de la révolution MEIJI en 1867 qui marque la fin du féodalisme et le début de la modernisation du Japon, la cellule « IE » qui constituait un merveilleux outil de contrôle social fut étendu à toutes les couches de la population.

Au 20ème siècle et jusqu'en 1945, le « IE » était même tenu légalement de former des citoyens de bonne moralité.

Après la guerre, le code civil abandonna complètement la structure juridique du IE et supprima les droits et les devoirs attribués aux foyers et chefs de famille.

Mais le concept de « IE » subsiste comme modèle d'organisation et c'est l'entreprise qui a pris la relève de la "maisonnée".

Le fait que le « IE » négligeait les liens de consanguinité en faveur de la notion de foyer économique explique pourquoi l'entreprise, en tant que groupe humain, a pu si facilement s'y substituer.

L'entreprise, tout au moins la grande entreprise, la KAISHA, est donc devenue la base de toute l'organisation sociale du Japon.
C'est en son sein que les salariés trouvent leur identité professionnelle et sociale.


122 - AU JAPON, SEULE "L'APPARTENANCE" PROCURE UNE IDENTITE,

L'entreprise, tout au moins la grande entreprise, la KAISHA, est donc devenue la base de toute l'organisation sociale du Japon.
C'est en son sein que les salariés trouvent leur identité professionnelle et sociale.

La reconnaissance de la position sociale d'un salarié dépend du rang occupé par son entreprise dans la société.
D'où cette identification profonde des salariés à leur entreprise. L'entreprise est une partie de leur vie égale en importance à leur vie personnelle.

Un salarié se présentera toujours à des inconnus, en remettant sa carte de visite professionnelle, non pas par sa qualification ou sa fonction mais par son appartenance à la firme qui l'emploie. Il sera fier de préciser qu'il appartient à SUMITOMO ou à SONY par exemple.

Au Japon, seule "L'APPARTENANCE" procure une identité.
« Lorsque vous faites un voyage organisé, vous êtes membre de ce circuit touristique et vous suivez votre guide partout en groupe. Il vous conduit avec un petit drapeau pour rallier tout le groupe. Vous appartenez au groupe. Pour les occidentaux, ce comportement est moutonnier, pas pour les Japonais. »  (Source E.T. HALL)

Ce sentiment d'appartenance est aussi une conséquence du Féodalisme qui a marqué l'histoire du Japon.
Qu'est-ce qui caractérise en effet le Féodalisme ? C'est que vous appartenez à la place, au lieu, où vous vivez et travaillez.
C'est le FIEF. Vous lui appartenez.
Vous avez une obligation de loyauté vis-à-vis du seigneur et, en contrepartie, il vous doit la sécurité et le droit au travail.

De ce fait, le futur employé, au moment de sa recherche d'emploi, se soucie fort peu de savoir si la firme, dans laquelle il peut entrer, vend des assurances ou des produits alimentaires. Par contre, il s'intéresse beaucoup plus au rang qu'elle occupe et qui déterminera sa propre place dans la société.

Chaque année, une enquête est effectuée par les magazines économiques dans le but de classer les entreprises dans lesquelles les futurs diplômés des universités voudraient entrer.
Les entreprises figurant en tête de liste ont plus de demandeurs d'emplois de qualité que les autres.

Au Japon, les grands facteurs qui affectent l'image de marque des entreprises sont, dans l'ordre,
- leurs parts de marché
- leur admission ou non à la bourse des valeurs
- leur philosophie du management.

On constate donc que le rapport d'identification des hommes à une organisation donnée, l'entreprise par exemple, est toujours, au Japon, plus fort que le rapport d'identification à un statut social ou à une fonction professionnelle.

Cette identification des salariés à leur entreprise, plutôt qu'à un statut social, se voit très bien dans la vie quotidienne au travail.
Tout le personnel de l'entreprise, de l'ouvrier au directeur général, porte par exemple, le même uniforme aux couleurs de l'entreprise.

L'uniforme symbolise trois idées :
I - Nous appartenons à un même groupe qui est un groupe spécifique : "la Maisonnée"
2 -  Il n'y a pas de classes sociales différentes. Il n'y a pas d'exécutants. Nous sommes tous "Acteurs égaux en dignité"
3 - Nous pouvons dialoguer sans complexe. "Il n'y a pas de gens en costume-cravate et des gens en bleu de chauffe".

La seule différence importante est le critère d'ancienneté, car l'âge apporte l'expérience, la connaissance et la sagesse.
On retrouve là l'influence très nette à la fois du Confucianisme et du Bouddhisme.

Cela ne signifie pas pour autant que les catégories socioprofessionnelles n'existent pas dans la société japonaise, mais les Japonais ont une conscience faible de leur existence. Ils s'identifient généralement à la "classe moyenne".

De même, il n'y a pas de syndicats horizontaux, par catégories socioprofessionnelles, mais des syndicats verticaux par entreprise.

 

123 - L'UCHI et le SOTO

 La tendance à ce cloisonnement vertical et la très forte identification des Japonais à leur "Maisonnée" expliquent la distinction fondamentale au Japon entre :

- L'intérieur de la cellule d'appartenance « L'UCHI » dont l'idéogramme signifie "maison" auquel vont tous les soins

- et un extérieur « Le SOTO » auquel on ne doit rien, en quelque sorte.

Comme le dit un proverbe japonais : "Le bonheur à la maison, et dehors le diable".

Le terme d’UCHI peut désigner, par exemple, le lieu de travail. Cet usage ne fait que traduire la vitalité du modèle du IE traditionnel, groupe de résidence compact et cellule de production

Il faut noter que le mot de KAISHA, I' entreprise, a la même racine que "UCHI". KAISHA, veut dire "On est chez nous", "Nous sommes dans notre UCHI".

 

Du fait de leur très forte identification à leur UCHI, les Japonais vivent dans un système de confrontation et de rivalités permanentes avec le "SOTO", le monde extérieur.
Les UCHI composant la société japonaise sont en concurrence les uns avec les autres. C'est ce qui explique la très forte concurrence qui s'exerce au sein même du Japon entre les entreprises.

 

Pour les membres d'un UCHI A, tout élément d'un UCHI B est un TANIN, un étranger, ce qui motive des comportements diamétralement opposés :

- Respect, courtoisie, affection, indulgence au sein de la structure communautaire du groupe que forme l'UCHI
- Agressivité, brutalité, mépris pour tous ceux qui n'en font pas partie, sentiments auxquels s'ajoutent la crainte, la peur de l'étranger.
D'où cet autre proverbe japonais : "Traite un étranger comme un voleur."

Les salariés de deux firmes distinctes, s'épient mutuellement et se considèrent comme des adversaires engagés.

La communication matérielle entre deux UCHI est très difficile.
La communication entre A et B ne peut donc s'établir qu'à travers un intermédiaire ou une base de référence.

C'est le rôle :
1) des signes, des symboles, du formalisme.
Les Japonais sont éduqués au maniement des symboles, aux formules de politesse et à la valeur des signes.
2) des intermédiaires.
Au Japon, il faut être introduit. La culture japonaise est une culture d'intermédiaire.
C'est ce qui explique que cette société  cellulaire est aussi une société relationnelle.
3) du "Safety feeling", c'est à dire de la confiance qui s'acquiert peu à peu avec le temps.
 

Ce comportement des groupes peut comporter des risques mais il a pour effet en tout cas de dynamiser fortement toutes les institutions du pays y compris bien sûr les entreprises.
Car l'esprit de rivalité, qui en résulte, entraîne chacun des groupes à faire au moins autant, et si possible mieux, que les autres groupes.

Tout ce que je viens d'expliquer montre que pour les Japonais, l'entreprise est l'expression d'un contrat moral liant les uns aux autres, employeurs et employés et non pas seulement une entité appartenant à un patron ou à des actionnaires.

Le personnel de l'entreprise n'est pas considéré comme une "Ressource Humaine", mais bien comme le "Peuple" d’une Nation dont on ne peut pas se séparer.
C'est dans l'entreprise qu'est sa vraie nationalité, d’où la grande difficulté de licencier du personnel en période de crise.
Ceci explique aussi l’importance en nombre du personnel précaire qui n’est pas, de ce fait, partie du « Peuple de la Nation entreprise », mais une simple « Variable d’Ajustement »

Les employés des grandes entreprises qui en ont assez de leur patron, sont malgré tout obligés de lui rester fidèles car s'ils quittaient l'entreprise, ils ne trouveraient pas ailleurs d'emploi équivalent, en raison de l'importance attachée à l'identification à l'entreprise.
C'est aussi difficile de changer d'entreprise que de changer de pays.C'est peut-être un peu moins vrai actuellement

Il est intéressant de noter à ce sujet que c'est le même idéogramme qui désigne le divorce entre époux et la rupture du contrat moral en question, par un salarié. Et que ce même salarié, lorsqu'il crée sa propre entreprise, est désigné par un mot (DATSUARA) qui traduit en français, se lit "employé qui s'est évadé".
La notion d'emploi à vie, dont on parle souvent, vient de là.

Les grandes entreprises ont, comme une nation, leur constitution, leur hymne, leur code de comportement du personnel, leur emblème, élément symbolique qui rappelle les armoiries des grands IE d'autrefois.
66 % des grandes firmes ont un hymne d'entreprise qui est chanté régulièrement et ensemble par tout le personnel (des cadres supérieurs aux ouvriers) "pour renforcer la culture partagée de l'entreprise".

Un exemple typique est celui d'HlTACHI :
"Nous sommes unis et nous rêvons,
Nous sommes les hommes HITACHI, bien éveillés, et prêts à promouvoir le bonheur des autres.
Notre fierté est grande envers les produits fabriqués chez nous.
Brillants et affinés sont nos talents.
Avec une sincérité qui perce l'acier,
Infatigablement, nous nous battons.
Par des chemins épineux, nous surmontons les difficultés.
L'esprit HITACHI nous pousse en avant...
Le jeune sang d'HITACHI court dans nos veines :
Conscients que nous sommes l'honneur de notre race,
Déjà nous HITACHI, sommes renommés dans le monde entier."

Ou encore celui de MATSUSHITA ELECTRIC :
"Pour édifier un nouveau Japon,
Réunissons nos forces et nos esprits,
Faisons de notre mieux pour promouvoir la production
Expédiant nos produits aux peuples du monde,
Sans fin et sans interruption,
Comme l'eau qui jaillit d'une fontaine.
Grandis, Industrie, grandis, grandis, grandis !
Harmonie et sincérité !
MASUSHITA ELECTRIC !

Dans ce même esprit, 80 % des entreprises réunissent, tous les matins, leur personnel pour faire le point, rappeler les objectifs de l'entreprise et de chaque département ainsi que les valeurs fondamentales de l'idéologie maison.
Les firmes japonaises contrôlent ainsi assez fortement les comportements et les pensées de leurs employés.

La KAISHA étant considérée comme une véritable nation, on ne saurait y mettre fin sauf incapacité avérée par la faillite.
C'est ainsi, par exemple, que le rachat d'une société par une autre société est, dans la tradition japonaise, banni de l'éthique nationale. Cependant, devant la crise et la compétition mondiale, ce principe tend à s’éroder.

La concurrence entre deux entreprises est assimilée à une guerre entre deux nations.
L'entreprise doit se battre pour assurer sa SURVIE, elle fait la guerre.
Sa SURVIE va dépendre du territoire qu'elle occupe.

L'objectif principal de l'entreprise n'est pas, de ce fait, le profit, mais comme nous le verrons plus loin la PART DE MARCHE.
Mais en fait plus qu'une stratégie de la part de marché, c'est un comportement, une stratégie instinctive.
Il faut, coûte que coûte, maintenir son territoire. Se séparer d'une partie de son territoire est considéré comme une défaite.
 

Ceci explique pourquoi la première des stratégies des entreprises japonaises, celle dont toutes les autres découlent est la STRATEGIE DE CROISSANCE.

La priorité donnée à la croissance conduit les dirigeants d'entreprise à raisonner dans une perspective volontaire de croissance continue. Il s'agit de poursuivre celle-ci inlassablement.
Chaque entreprise se bat pour bénéficier de tout accroissement du marché si petit soit-il.

Réactivité, innovation, qualité et flexibilité sont des stratégies qui vont permettre de satisfaire l'objectif de croissance que se fixe l'entreprise pour assurer sa SURVIE.

 

124 - L'ESPACE SOCIAL EST SOUS L'EMPRISE D'UNE TERRITORIALITE FORTE: le BA

Les groupes se forment à partir d'un espace concret, d'un territoire, le BA, qui fournit le cadre socio-géographique de leur activité ;
Le BA définit :
- l'espace physique, géographique
- ou l'espace fonctionnel et social.
Dans un même espace, il y a tendance naturelle à coopérer : "On fait quelque chose ensemble".

Toutes les entreprises qui pratiquent le KAIZEN connaissent bien le BA qui en est un des fondements:

Dans l'entreprise japonaise, l'unité de base n'est pas l'individu mais ce qui est appelé le SHO-SHUDAN (littéralement : le Petit Groupe).
Les SHO-SHUDAN sont les groupes professionnels de base, véritables "unités élémentaires de travail" de l'entreprise japonaise. Ces groupes de 5 à 7 personnes, partagent le même espace dans l'atelier ou le bureau et coopèrent dans le travail. C'est "L'ESPACE SOCIAL" ou "BA". A l'intérieur de ces groupes de 5 ou 7 personnes, il y a interchangeabilité des rôles et des fonctions.

Ex: Le GEMBA  (l'unité de travail élémentaire, groupe de 5 à 7 personnes) et la notion de KAIZEN : les groupe d'amélioration reposent sur le constat que l'endroit le plus important de l'entreprise, celui ou l'on pourra faire des progrès de productivité les plus grands est l'atelier ou plus généralement le lieu de travail des opérationnels, là où se déroule l'activité. C'est là que se posent les problèmes, c'est là que l'on trouve la solution aux problèmes.

Le groupe japonais est tout le contraire d'une catégorie sociale ou professionnelle : ce n'est ni un statut, ni une fonction qui est à l'origine du groupe, mais un espace concret, un territoire.
Mais le territoire est un espace clos sur lui-même, régi par l'opposition du dedans et du dehors, dominé par un sentiment d'appartenance.

A l'espace japonais défini par le jeu du dedans (UCHI) et du dehors (SOTO), correspond le groupe japonais dont la cohésion repose sur une double logique : fusionnelle dans l'UCHI et séparatiste dans le SOTO.
La prédominance du territoire enferme le groupe dans sa propre autonomie rendant ainsi difficile son intégration dans la société.

A l'opposé, la conscience d'appartenir à cette entité sociologique qu'est le groupe est hypertrophiée et cette conscience renforce la cohésion du groupe ainsi que son autonomie.
Là où l'homme occidental pense l'autonomie dans un rapport d'indépendance au groupe, sous la forme de l'autonomie de l'individu, l'homme japonais découvre l'autonomie dans un rapport de dépendance au groupe, sous la forme de l'autonomie du groupe lui-même.

 

125 - LE PRINCIPE DE L'HARMONIE "WA", CONDITION DU FONCTIONNEMENT DU GROUPE

L'harmonie règle les rapports aux autres. C'est une recherche permanente de l'harmonie qui est à l'origine du "consensus à la japonaise".

Il faut se rappeler que le WA est profondément ancré dans la culture japonaise, puisque la première constitution du Japon qui date de 604 après J.C. inscrit même le WA comme premier principe constitutionnel en faisant ressortir que c'est ce qu'il y a de plus noble, de plus précieux et de plus sacré

Du fait du WA, on est dans une société régulée, il ne faut pas dépasser. Il y a un ordre des choses qu'il faut garder.
- Le WA apparaît dès le 1er siècle en Chine, pour parler des japonais que les Chinois appellent les "WA JIN".
- Le WA se trouve dans toute une série de mots et d'expression : apaiser, doux, calme, uni, intime ou familier, modéré, faire la paix et aussi dans "WA SEI" : made in Japan.

- Le WA est donc le dépositaire d'une japonéité profonde.
- Le WA apparaît comme le "sens moral", "l'éthique" du management.
C'est la condition de fonctionnement d'un groupe.

 

126 - LA NOTION D'"ESPACE - TEMPS", LE "MA" ET LA "CULTURE DU SILENCE"

Les Japonais prêtent une grande attention aux espaces entre deux éléments.
Cet espace c'est le "MA", c'est-à-dire l'intervalle dans lequel existe du vide. Cet intervalle est à la fois espace et temps. On ne peut considérer les deux séparément. Si l'intervalle apparaît vide, il est cependant chargé de sens. Il est en réalité occupé.

En ce qui concerne la parole, par exemple, cela signifie que les silences entre les phrases ont un sens et sont aussi significatifs que les mots.
Le Japonais a besoin de temps et de silence.
Le silence est très important dans une négociation ou une discussion. Il faut savoir prendre le temps du silence. Ne pas essayer de meubler celui-ci.
Pour les Japonais, nous voulons toujours comprendre trop vite ou aller trop vite.
Pour se convaincre d'agir, un japonais a besoin d'un certain temps, d'un recul pendant lequel des éléments imperceptibles vont le convaincre d'agir ou non.

"J’ai vu plusieurs négociations échouer au Japon pour non-respect du silence"

On parle à ce sujet de la "Culture du silence" (de même que l'on parle à propos du Japon de "l'éloge de l'ombre")

Le silence est en lui-même l'objet et le but d'exercices spécifiques. Il existe des "exercices du silence".
Ils sont partie intégrante de l'apprentissage des "Arts" enseignés par les Maîtres,
Cérémonie du thé
Ikebana
Arts, peinture ZEN
Calligraphie
Et culminent dans les exercices de méditation des moines bouddhistes (en particulier Zen) et des prêtres shintoïstes où se trouvent sans doute leurs racines (Dürckheim). La méditation, base de la philosophie ZEN, permet de sentir que l’on est un élément dans le flot de la vie qui s’écoule autour de soi.

127 - L'ENERGIE ET L'"ESPACE - TEMPS"

La "voie" consiste à assurer la maîtrise du centre.

Le centre est stabilité, harmonie. De lui partent toutes choses et à lui retournent toutes choses.

En ce sens, il est le lieu de toutes les énergies. C'est le lieu de la maîtrise de l'espace et du temps, de "l'espace-temps".
La recherche de l’équilibre implique le mouvement et celui-ci doit être incessant
L ' "espace temps" résulte du mouvement de toutes choses et de la conscience que nous avons des choses.
L'alliance de ces 2 aspects donne le rythme.
Le rythme à son tour, s'il est maîtrisé, donne la maîtrise de l'énergie, donc de l'adversaire. C'est l'art de contrôler l'adversaire dans son propre rythme.
C'est aussi la philosophie du KI (TSUKUBA 1984), la potentialisation des énergies du corps par l'esprit. Sans KI, il n'y a pas d'Art Martial japonais (AIKIDO).

Pour les Japonais, la clé qui permet de venir à bout des situations les plus difficiles est le KI ou "Force intérieure". Le "HARA", le ventre, est considéré comme le siège du souffle et de l'énergie vitale.

Le travail sur le Hara est une véritable tradition au Japon, surtout pour ceux qui veulent accomplir de grandes choses. Comme le dit un proverbe Japonais : "Sans un Hara bien développé, nul ne peut aspirer à la grandeur".

Pour un Japonais, "il est superficiel de ne penser qu'avec sa tête".
Le mot japonais pour "Plan", Fukuan, signifie d'ailleurs littéralement "projet du ventre", ce qui veut dire que le cœur intervient autant que l'esprit dans sa conception.

 

2 - LE JAPON DANS SES RELATIONS AVEC LE TEMPS
 

21 - LA NOTION DU TEMPS

Le temps est un système fondamental de la vie culturelle et personnelle des individus.
En fait, rien ne se produit en dehors d'un cadre de temps donné.
Chaque civilisation a, du temps, une conception qui lui est propre.

Ainsi pour pouvoir effectivement communiquer à l'étranger, il est aussi nécessaire de connaître le langage du temps que le langage parlé du pays où on se trouve.
Le temps est un moyen permettant de mieux comprendre une culture

Pour les peuples occidentaux, le temps est linéaire. Le passé précède le présent qui précède le futur. On peut ainsi parler de la "flèche du temps". Le temps est une chose qui prend place entre deux points.
Selon la triple tradition juive, chrétienne et musulmane, celle-ci va de la création du monde, selon le récit de la Genèse, à la fin du monde et au jugement dernier.
Notre comportement présent nous est dicté par le souci de l'avenir. Il représente un arrachement par rapport au passé, qui présente un caractère révolu.

Dans le cas du catholicisme, notre destin résulte de nos actes, de nos choix et en fin de compte de notre liberté ; l'avenir est donc ouvert.
Dans le cas de l'islam, l'avenir est prédéterminé (il se trouve dans "la main de Dieu") ; de là une attitude plus fataliste.
 

Pour les peuples d’Extrême-Orient, au contraire, le temps, selon la tradition bouddhiste et hindouiste, revêt un caractère cyclique et se présente comme un éternel recommencement.

Ce qui a été sera encore.
La doctrine de la métempsycose veut que l'âme humaine, à la mort, se réincarne dans un autre corps. L'avenir ne se présente pas comme totalement inédit par rapport au passé, mais représente, en quelque sorte, un retour au passé.

"Selon la perspective du Bouddhisme tibétain, nous pouvons diviser notre existence entière en quatre réalités qui sont en corrélation constante : 1° la vie ; 2° le processus de la mort et la mort elle-même ; 3° la période après la mort ; 4° la renaissance" (Le Livre tibétain de la Vie et de la Mort p.32)

Le Pr. Robert J. Ballon, professeur de management à l'Université Sophia à Tokyo, observe que « l'esprit japonais est orienté ni tant vers le passé ou l'avenir que vers le présent. »
Pour les Japonais, dit-il, le temps n'est pas demain, le long terme ou le court terme, c'est aujourd'hui et tout de suite.

C'est le sens de la parole "ici et maintenant " que l'on trouve aussi bien dans le shintoïsme que dans le bouddhisme ZEN.
"En réalité, seul l'instant présent, le "Maintenant  "nous appartient"

Le temps n'est pas une ligne mais une succession de points du Maintenant.
C'est la répétition de l'expérience vécue "ici et maintenant" qui porte en elle l'éternité.

"Nous pouvons commencer, ici et maintenant, à découvrir un sens à notre vie" (Le Livre tibétain de la Vie et de la Mort)
"Observez une pensée : elle vient, elle demeure et elle s'en va. Le passé est passé, le futur ne s'est pas encore manifesté et la pensée actuelle, au moment ou nous en faisons l'expérience, se mue déjà en passé.
En réalité, seul l'instant présent, le "Maintenant", nous appartient
."(Le Livre tibétain de la Vie et de la Mort, p.52).

A quoi le Pr. Shugi Hayashi, de l'Université de Tokyo, ajoute que la conception du temps au Japon, n'est ni totalement linéaire, ni totalement cyclique : le passé, loin d'être révolu, existe encore dans le présent, et l'avenir lui-même se trouve ramené vers le présent, en une sorte d'enroulement qu'il présente de la façon suivante:

Ceci est important pour comprendre le comportement des entreprises japonaises.
Il n'est pas rare, par exemple, dans un atelier d'une grande entreprise, voire même dans le bureau d'un Président, de découvrir un autel shintô. Ainsi le passé Shintoïste se trouve préservé et se maintient dans le présent.

Le même comportement peut être observé dans la politique d'investissement des entreprises ; par rapport à nos ateliers occidentaux, le parc de machines que l'on observe dans les usines japonaises peut paraître passablement hétéroclite.
La raison en est qu'une machine ancienne, même amortie, se trouve maintenue en activité tant qu'elle donne satisfaction. On ne remplacera pas l'ensemble d'un parc de machines, mais celles seulement qui représentent un goulot d'étranglement. Autrement dit, le présent intègre le passé.

D'une façon plus générale, on observera que les extraordinaires changements qu'a connu le Japon au cours de ces dernières années n'ont nullement conduit à une disparition de ses traditions et de ses modes de vie ancestraux :
Il y a superposition, et non substitution, et ceci de la même façon que le bouddhisme, loin de se substituer au shintoïsme, s'est superposé à lui, conduisant à une forme originale de semi-syncrétisme.

Il ne faut donc pas imaginer que le Japon, compte-tenu de sa modernisation, va se "rapprocher de l'occident". Il vaut mieux prévoir un enrichissement de la culture japonaise par ses emprunts à la culture occidentale.

22 - L'INFLUENCE DE LA MYTHOLOGIE:

LE JAPON EST HORS DU TEMPS
AU JAPON, LA LEGITIMITE EST INCARNEE (Sans constitution à l’origine)
TENDANCE GENERALE A SEPARER LEGITIMITE ET POUVOIR
DANS LA COSMOGONIE JAPONAISE, L’ETRANGER N’EXISTE PAS

 

221 – LA MYTHOLOGIE JAPONAISE

"Quand du chaos montèrent les fines essences et descendirent les lourdes substances, alors se formèrent le ciel et la terre ; celle-ci n'était que boue informe, terre - eau.
La terre qui venait de naître était comme une tache d'huile flottante et voguait comme une méduse
." (Kojiki).

Soudain apparut une étrange forme rouge d'où naquirent les trois premiers Dieux. Puis, peu à peu, des myriades de Dieux peuplèrent l'Univers.

Au bout de la huitième génération deux divinités apparurent :
Un frère et une sœur : IZANAKI et IZANAMI

Les Divinités célestes ordonnèrent à Izanaki et à Izanami (symbolisant respectivement le Père Ciel et la Mère Terre) de rassembler et de solidifier les terres flottantes.

Ils reçurent d'eux en cadeau une lance :
"Alors que ces deux Kami se tenaient sur le Pont Flottant du Ciel, ils plongèrent la hallebarde divine, l'agitèrent en cercle dans le sel marin et la retirèrent en faisant clapoter l'eau. A ce moment-là, les gouttes salées qui tombaient de la hallebarde se superposèrent et devinrent des îles.'' (Kojiki).

Un peu plus tard, Izanami mourut, brûlée, en enfantant le Dieu du feu. Son époux se rendit alors à YOMI-NO KUNI (le pays des Morts) pour tenter de la ranimer, mais il échoua.

Une fois revenu sur terre, il se baigna dans un fleuve, dans l'île de KYUSHU, pour se délivrer des impuretés avec lesquelles il était entré en contact dans l'au-delà.

Lorsqu'il se lava l’œil gauche, il donna naissance à AMATERASU OHOMIKAMI, la Déesse du Soleil. En nettoyant l'autre œil, il engendra TSUKUYOMI  NO MIKOTO, Déesse de la Lune. Enfin, lorsqu'il se lava le nez, apparut
SUSANO-WO NO MIKOTO, probablement une divinité des Tempêtes.

SUZANO, depuis sa plus tendre enfance s'était montré si insupportable que son père IZANAKI le condamna aux enfers.
Avant de s'exiler, SUZANO alla prendre congé de sa sœur AMATERASU, laquelle régnait paisiblement sur "la Plaine du Haut Ciel".

Mais SUZANO WO suscita la colère de sa sœur, en s'amusant à saccager des rizières et des fossés d'irrigation dans les terres célestes.
Il dépassa les bornes en lançant une pouliche écorchée, folle de douleur à force d'avoir été fouettée, dans la salle de tissage d'AMATERASU, causant la mort d'une Déesse sur son métier.

AMATERASU, au comble de l'exaspération, s'enferma dans l'AMA NO IWAYA (la grotte céleste), de sorte que le Japon sombra dans les ténèbres les plus complètes.

Huit millions de divinités se réunirent alors pour trouver un moyen d'attirer la déesse du Soleil hors de la caverne.

Les Dieux récitèrent des prières et AMENO UZUME entama une danse lascive devant la grotte, provoquant l'hilarité générale. En entendant ces rires, AMATERASU ne put réprimer sa curiosité, elle jeta un coup d’œil et aperçut son propre reflet dans un miroir qui avait été placé à l'entrée de la grotte.
Aussitôt TAKIKARA WO (divinité masculine de la force manuelle) la saisit et l'entraîna de force à l'extérieur.
La lumière réapparut. SUZANO WO fut expulsé du monde céleste et l'ordre remplaça le chaos.

Les divinités célestes, devant les conditions déplorables où sombrait le Japon, décidèrent que le pays serait gouverné par les descendants d 'AMATERASU.
 

C'est ainsi que NINIGI NO MIKOTO, le petit-fils d 'AMATERASU, descendit du Ciel pour régner sur la Terre.

L'arrière petit-fils de NINIGI n'est autre que l'EMPEREUR JIMMU, Le premier empereur régnant (660 avant J.C.).

Ce récit de la création du monde est très symbolique du Japon. On peut en tirer 4 conséquences :

 

222 -  LE JAPON EST HORS DU TEMPS

La création du monde se confond avec le Japon. Il a sentimentalement toujours existé.
La mythologie se confond avec l'histoire.
Pour le Japon, il n'y a donc pas de commencement. Il n'y a pas de création, c'est une continuité sans rupture. Le Japon n'a qu'un DEVENIR.
Le Japon est éternel, il n'a pas de début, pas de fin.

 

223 - AU JAPON LA LEGITIMITE EST INCARNEE
(Sans constitution à l'origine)

La mythologie se confond avec l'histoire et les Dieux avec la dynastie.
L'Empereur c'est le TENNO, or T’EN, c'est le ciel, donc l'Empereur est le "Roi du Ciel".
En Chine, il y a le Ciel et le Fils du Ciel qui est l'Empereur. On peut renverser le Fils du Ciel.
Au Japon, L'Empereur, c'est le Ciel, c'est une Divinité incarnée.
Ce n'est pas le fils du ciel, on ne peut donc pas le renverser.

Le huitième siècle est l'époque de l'affirmation du caractère "sacré" de l'empereur, de la publication du NIHON-SHOKI en 702 et du KOJIKI en 712, du choix de KYÔTO comme capitale en 793 en remplacement de NARA.
 

224 - TENDANCE GENERALE A SEPARER LEGITIMITE ET POUVOIR

La fonction impériale est une légitimité, elle est incarnée par une famille, elle est théâtrale.
Mais le pouvoir est ailleurs.
Celui qui, en principe, règne ne commande pas en réalité.
Le premier est chargé de maintenir l'Unité et la cohérence du Groupe, l'autre d'exercer le pouvoir.

Il y a donc une dualité des fonctions. Mais le Chef est responsable alors que l'Empereur ne l'est pas (puisqu'il est le Ciel), il sacralise les décisions.
D'où le rôle du SHOGUN, chargé par l'Empereur de gérer l'Espace Japonais en s'appuyant sur la légitimité Impériale.

Il y a donc de 1192 à1867, un gouvernement double avec :
- le gouvernement Impérial et la Cour.
- le gouvernement shogunal ou BAKUFU

- ODA NOBUNAGA (1534-1582)
- TOYOTOMI  HIDEYOSHI (1536-1598)
- TOKUGAWA IEYASU (1542-1616)

Tandis que la Cour constituait un gouvernement civil, contrôlé par des fonctionnaires civils, le BAKUFU était une administration militaire contrôlée par l’armée.

De 1600 à 1867, c'est la grande époque des TOKUGAWA, avec EDO (TOKYO)  comme capitale.

Tendance à la Paix générale.  Pendant 250 ans, c’est le calme. C’est la Paix d’EDO des TOKUGAWA.

Mais parallèlement pendant toute cette période, il y a fermeture du pays, isolement (sauf à NAGASAKI avec les Hollandais).
Aucune communauté intérieure ne peut devenir plus forte par appui extérieur.
On fait l’unité par la logique de l’isolement.
Cet isolement durera jusqu’en 1854, avec l’arrivée du Commodore Américain PERRY.

Pendant cette période, les TOKUGAWA encouragèrent le confucianisme qui marqua profondément le Japon.
Mais l’Empereur lui était SHINTOISTE.

de 1868 jusqu'en 1912 : Ere MEIJI ou "révolution MEIJI ". C’est la grande période de modernisation et d’occidentalisation du Japon qui débute avec la restauration du pouvoir Impérial et l’abolition du shogunat. La fin du féodalisme ---> les samourais vont dans les entreprises.

 

225 - L'ETRANGER N'EXISTE PAS dans la cosmogonie japonaise,

Qu'est-ce que l'étranger ? On ne sait pas.
Il y a, à la fois, au Japon, une peur très importante de l'étranger et un désir profond de lui prendre ce qui fait sa supériorité. Le japonais sera toujours fier de montrer dans la rue qu’il est en relation avec des étrangers et essaiera de vous aider si vous êtes en difficulté pour prendre votre billet de métro. Par contre, un chauffeur de taxi à Tokyo hésitera souvent à s’arrêter si vous le héler au bord du trottoir, par peur de l’étranger

Cette peur de l'étranger pousse les Japonais à rechercher la puissance. Le concept de « IE » subsiste comme modèle d'organisation et c'est l'entreprise qui a pris la relève de la "maisonnée".
L'entreprise, tout au moins la grande entreprise, la KAISHA, est donc devenue la base de toute l'organisation sociale du Japon.
C'est en son sein que les salariés trouvent leur identité professionnelle et sociale.

 

3 - LA LANGUE ET LES MODES DE PENSEE

 

31 - LE SYSTEME D'ECRITURE AU JAPON

L'écriture a une influence directe sur les modes de pensée.

L'écriture japonaise est une combinaison de différents systèmes :
KANJI (idéogrammes d'origine Chinoise), KANA (HIRAGANA et KATAKANA, système d'écriture proprement Japonais), ROMAJI (issu de l'Occident)

Les KANA, Hiragana et katakana, sont dans un système syllabaire:

Le HIRAGANA sert à exprimer les particules fonctionnelles (comme le complément d'objet) et à écrire la partie variable des mots. Il sert aussi comme forme substitutive au KANJI. C'est l'écriture enseignée dans les écoles primaires aux enfants.
Le KATAKANA (inventé par les moines Bouddhistes) sert à incorporer des mots d'origine occidentale, notamment les mots techniques. En incorporant ces mots de culture étrangère, les Japonais les transforment et les japonisent.

Le ROMAJI est un système alphabétique.

Les KANJI sont dans un système figuratif et idéogrammatique.

70% du lexique japonais est constitué de Kanji. Il faut connaître un minimum de 2000 idéogrammes pour lire un journal, les intellectuels en connaissent 4000 à 5000. Les enfants en fin d'école primaire en maîtrisent 400.

Même si les Japonais pratiquent simultanément plusieurs systèmes d'écriture, le plus utilisé est le système idéogrammatique d'origine chinoise, où le sens s'inscrit dans le dessin.

L'idéogramme relève donc, non du concept, mais de l'image, non d'une logique analytique, mais d'une logique associative.
Chaque idéogramme possède en lui-même une signification.

L'écriture d'un simple mot nécessite de combiner des sous-systèmes à l'intérieur d'un système Le système japonais est donc fondé sur une logique associative

Exemples:

Le mot "morale" s'écrit : DO TOKU
L'idéogramme DO signifie la VOIE, le CHEMIN.
L'idéogramme TOKU signifie la VERTU.
La MORALE est donc le CHEMIN de la VERTU.

Le mot "psychologie" s'écrit : SHIN Rl GAKU
L'idéogramme SHIN signifie COEUR.
L'idéogramme Rl signifie GESTION.
L'idéogramme GAKU signifie REGLE.
La psychologie est donc la REGLE DE GESTION DU COEUR.

Le mot "ordinateur" se traduit par cinq idéogrammes, L’un représente la machine, deux le calcul et deux l'électron.

Le mot écrit en idéogrammes intègre donc bien des sous-systèmes : chaque idéogramme possède en lui-même une signification.
Ce n'est le cas ni des lettres, ni des syllabes, qui elles, ne produisent de signification qu'une fois intégrées dans un ensemble.

Dans notre culture, on est analytique/synthétique : mon-ta-gne
Chacune des syllabes n'a pas de sens en soi. C'est la synthèse qui donne un sens.

A notre système d'écriture, reposant sur une logique analytique  - éléments/ensembles - s'oppose le système japonais fondé sur une logique associative - sous-systèmes/système.

Le Japonais a donc de la peine à comprendre l'abstraction (L'idéogramme décourage l'abstraction).
Il n'y a pas de concept en japonais. Les supports figurés empêchent les concepts. "Je pense donc je suis" est incompréhensible en Japonais.

L'utilisation des Kanji a une autre conséquence : il n'y a pas de détails mineurs pour les Japonais, tout est important comme dans l'écriture où le plus petit trait est fondamental pour comprendre le caractère.

En plus, pour apprendre des milliers d'idéogrammes, il faut beaucoup de "patience et d'obstination".
L'apprentissage est très long, 10 à15 ans pour les scolaires, plus un entretien quotidien.

A cela s'ajoute que plusieurs lectures sont possibles pour chaque idéogramme, et que, de surcroît, la phrase n'est pas segmentée par une ponctuation. Plusieurs combinaisons doivent donc être envisagées, et la diversité des interprétations possibles rend indispensable une bonne intelligence du contexte dans lequel évoluent les idéogrammes.
Tout dépend du Contexte

 

32 - LA STRUCTURE DE LA LANGUE

- Les noms n'ont ni genre (masculin/féminin), ni nombre (singulier/pluriel), ni article (le, la, les, un, une).
Tout dépend du Contexte.

- Les verbes japonais n'ont que deux temps : le passé et le non-passé.
Ainsi, le Japonais ne distingue pas explicitement le présent du futur.
Tout dépend du Contexte.

- Le sujet des phrases est souvent omis et les pronoms personnels (je, tu, ils...) ou possessifs (mon, ton, son...) sont peu employés.

"Je pense que" sera seulement exprimé par "Penser".
Qui pense ? Cela n'est pas davantage inscrit dans la phrase, dont la structure est dépourvue de sujet.

il faut avoir l'intelligence de la situation pour comprendre qui est le sujet.

Tout dépend du Contexte

- La structure de la langue se fonde au Japon sur un système qui privilégie l'environnement et la relation.
Exemple : une phrase telle que "Je vous prête un livre" a pour équivalent en japonais "Prêter un livre".
Qui prête le livre, à qui ? Mystère, ce n'est pas dit.

La langue japonaise n'est donc pas égocentrée, mais centrée sur la place que le sujet occupe dans l'environnement. Si donc, l'individu n'a pas l'intelligence de la relation, il ne peut pas décoder le message.
Tout dépend du Contexte.

De là, une des caractéristiques principales du psychisme japonais, qui est de ne pas être centré sur le MOI.

Les Japonais sont des gens qui comprennent immédiatement une situation, qui sont attentifs au contexte. Ce qui est important c'est de capter tous les éléments d'une situation. Ceci donne de formidables ingrédients pour la vie en groupe.

- Les Japonais sont tout naturellement portés à rechercher l'information pour saisir le contexte. Ils ont une véritable "obsession de l'information", ce qui leur permet, en particulier de comprendre les changements de l'environnement, d'assurer une veille technologique ou concurrentielle particulièrement efficace et donc d'anticiper sur les événements.

De plus, étant donné l'importance du groupe dans la culture japonaise, l'information circule, est partagée et exploitée afin d'optimiser la prestation commune.

- Quand on a un contrat avec des japonais, celui-ci peut être changé si la situation et le contexte changent, il faut donc bien comprendre l'évolution du contexte.

 

33 - LA LOGIQUE DE LA PENSEE

- Alors que la logique occidentale suit une voie de raisonnement claire et linéaire, on passe de A à B puis C etc.... A étant la cause et B l'effet. Il y a un rapport de cause à effet. Ainsi opère la pensée cartésienne, on avance donc sur cet axe par une série de déductions successives.

- La logique japonaise, elle, valorise l'axe analogique et associatif où les éléments se côtoient sans relation spontanée de cause à effet. Elle va associer A, B et C.

Rappelons nous que l'idéogramme relève, non du concept, mais de l'image, non d'une logique analytique, mais d'une logique associative.

- Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'absence de relations entre éléments (A, B, C, etc...) porte au Japon un nom particulier. C'est le MA, dont nous avons déjà parlé, soit l'intervalle dans lequel existe du vide et où subsiste du jeu entre deux éléments.

Comment les Japonais parviennent-ils dans ces conditions à une conclusion ?
Le système appliqué est celui de l'approche globale. Ils associent dans un ensemble les informations collectées en posant les éléments les uns à coté des autres, tout comme on associe les images d'un puzzle pour parvenir à la solution.
Il faut donc maîtriser l'ensemble des données pour arriver à la solution, d'où l'importance de la recherche des données. Il ne faut pas de pièces manquantes.
Le système éducatif japonais valorise d'ailleurs le stockage et la mémorisation de l'information.
D'autre part, il faut rigoureusement assembler les données pour réussir à trouver une solution, d'où la rigueur des Japonais. Il y a, par contre, un inconvénient, cela prend du temps.

- La tolérance des Japonais pour le "flou" les distingue franchement des Occidentaux.

Alors que les Occidentaux ont tendance à penser en "Noir-et-Blanc"(oui/non, nous/eux, pour/contre), les Japonais sont beaucoup plus confortables avec des nuances de gris. (Les 16 nuances du OUI  et du NON ou les 16 façons d'éviter de dire non).

Pour les Japonais, les problèmes sont rarement tranchés, avec une réponse simple et unique. Pour eux, les choses sont relatives et ouvertes. Les problèmes sont vus comme complexes, incohérents, et vagues, requérants des solutions diffuses et incrémentales plutôt que des solutions tranchées et drastiques comme proposées de façon courante en Occident.

 

4 - LA RELIGION

Au Japon, les religions sont fonctionnelles ce qui explique la coexistence de plusieurs religions. Chaque japonais a donc plusieurs religions. Il y a plus de croyants que de Japonais.

On a :
le SHINTO : la voie des Dieux (KAMI)
le BUKYO : le chemin de Bouddha
le JUGAKU : L'enseignement de Confucius
Le CHRISTKYO : L'enseignement du Christ.

 

41 - LE SHINTOÏSME

Vision sur l’identité nationale
La Voie des Dieux

Le SHINTO a un but domestique : il protège l’espace communautaire.
Religion de la vie quotidienne (Mariage par exemple)
La mort est impure

Respect, crainte et gratitude vis à vis des forces de la nature (Kami). Attention à ne pas fâcher les Dieux

Pour comprendre ce qu'est le shintô, il faut remonter à l'attitude qu'avait le peuple de l'époque Pré-Bouddhique face à la nature.
C'était d'abord une attitude de respect profond devant des forces qui sont particulièrement imprévisibles au Japon. Mais ce respect était accompagné d'un réel sens de la gratitude. Car la même nature qui pouvait être puissance de destruction, était source de fertilité et source de vie.

Ces forces de la nature ont été vénérées sous le vocable de KAMI, forces dont l'homme se sentait très proche.

Les rites de purification destinés tantôt à éviter la cassure de l'harmonie avec les Kamis, tantôt à rétablir l'harmonie déjà brisée, étaient extrêmement importants. Car si les KAMI s'irritaient contre l'homme, ils pouvaient, pensait-on, lui rendre la vie très difficile.
La conséquence : c'est la prudence, la peur de la réaction des KAMI. Il fallait donc faire attention à ne pas les fâcher. Il faut les ménager. Mais il y a aussi la possibilité d'obtenir par des rites de purification appropriés leur protection.

La mythologie shintoïste affirme que vivent ou coexistent un million de KAMI dans le ciel.
Sur terre, toute chose qui sort de l'ordinaire est susceptible de devenir un KAMI elle aussi : une pierre, un arbre, un homme, les divinités...

 

 

Dans la profession de foi élaborée après la guerre par  l'Association des Sanctuaires Shintô qui aujourd'hui représente la plupart de ces sanctuaires, il y a trois grands principes qui reflètent l'essence même de cette religion.

 

411 - LES TROIS GRANDS PRINCIPES

- Le premier principe est le suivant :
Exprimer sa gratitude aux KAMI pour leur faveur.
Avec un cœur pur, sincère et radieux, se dévouer aux rites des sanctuaires.
- le second dit :
Servir la société et travailler à l'amélioration et à la consolidation du Monde, en comprenant que nous sommes les messagers des KAMI,
- le troisième principe de la déclaration dit :
Identifier nos esprits avec celui de l'Empereur et prier pour la prospérité des peuples du Monde.
Il apparaît ici clairement que l'Empereur a toujours une place centrale dans le shintô. Le shintoïsme est très nationaliste.

 

412 - LES VALEURS QUI DECOULENT DU SHINTOÏSME  :

- Une "empathie" avec la nature
- Une recherche d'harmonie.
- Le sentiment d'appartenance au groupe
- L'idée d'une identité nationale spécifique et le respect de l'origine divine du peuple japonais et le respect pour la Nation et la famille impériale.
- La valeur attachée au travail conçue comme un acte de "créativité" et de "production" valorisant, et non pas comme une malédiction (péché originel) comme en Occident : "Tu travailleras à la sueur de ton front".
- "Le Renouveau" permis par la purification est une des caractéristiques du Shintoïsme. Un être purifié est un être nouveau.
L'année nouvelle est comme un être naissant. Tout doit être renouvelé par la purification. Le Temple d'ISE est ainsi reconstruit à l'identique tous les vingt ans.
- Une recherche du progrès par une activité créative, en opposition à la vertu de la passivité prêchée dans les autres religions orientales.

Les KAMI sont présents à l'intérieur des grandes comme des petites entreprises sous forme d'autels shintoïstes honorés périodiquement afin d'obtenir la prospérité et la sécurité de la société.
Des délégations nombreuses conduites par le P.D.G. se rendent aux temples à certaines occasions.
La divinité protectrice du sanctuaire MINEGURI veille sur le groupe MITSUBICHI.
La divinité protectrice du sanctuaire KUMANO veille sur le groupe TOSHIBA.
 

 

42 - LE BOUDDHISME

Vision sur l’homme
Religion de la mort (Funérailles), des ancêtres, de la vie après la mort et des renaissances

Le Chemin de Bouddha
Impermanence
Le « je », le « moi » n’existent pas

Le bouddhisme vient de Chine par la Corée. Il arrive à NARA dans le cadre du pouvoir central en 538.

Le bouddhisme a ses racines en Inde où SHAKYAMUNI BOUDDHA, au Vl° siècle avant notre ère, s'est éveillé à la vérité, ce qui lui a permis de se libérer du cycle infernal des morts et des renaissances (SAMSARA) dont tout homme est prisonnier.
 

 

421 - LES "QUATRE NOBLES VERITES"

Le Bouddha a ensuite divulgué sa découverte sous forme des "QUATRE NOBLES VERITES" de la doctrine boudhique, "Le Sermon de Bénarès" :

" Voici la noble vérité sur la douleur : la naissance est douleur ; la vieillesse est douleur ; la maladie est douleur ; la mort est douleur ; la réunion avec ce que l'on n'aime pas est douleur ; la séparation d'avec ce que l'on aime est douleur ; bref, toute la trame de notre être est douleur.

" Voici la noble vérité sur l'origine de la douleur : c'est la soif qui mène de renaissance en renaissance, avec son cortège de plaisirs et de passions, cherchant çà et là son plaisir : la soif de plaisir, la soif d'existence, la soif de puissance.

" Voici la noble vérité sur l'abolition de la douleur : c'est l'extinction de cette soif par le total anéantissement du désir, son bannissement, son rejet, la rupture de ses liens, sa suppression.

" Voici la noble vérité sur le chemin qui mène à l'abolition de la douleur : c'est l'octuple noble chemin, à savoir : doctrine correcte, résolution correcte, parole correcte, action correcte, moyens d'existence correcte, effort correcte, attention correcte, recueillement correcte."

 

- la première vérité est la constatation qu'il n'y a pas de bonheur véritable en ce monde. En un mot tout est souffrance.
Tout, ici-bas, est éphémère, sujet à changement et par conséquent, source de douleurs.

- Le bouddhisme est la recherche de la cause de cette souffrance. Cette cause, c'est le désir (deuxième vérité). Ce sont les désirs qui engendrent cette impermanence et cette douleur.

- Comment y remédier ? En essayant de supprimer le désir et ainsi supprimer la souffrance  (troisième vérité).
Seule cette suppression du désir permet de devenir Bouddha, et d'atteindre enfin le NIRVANA, cet état de béatitude et d'absence de désirs dans lequel il n'existe plus de renaissances possibles.

- Pour aider l'homme à atteindre le Nirvana, le Bouddha a proposé la Voie qui conduit à la cessation du Mal. C'est le "Noble Sentier à Huit Branches ", fréquemment appelé : " Le Sentier du Milieu ", consistant en :

- vues correctes,
- aspirations correctes,
- paroles correctes,
- conduite correcte,
- un mode de vie correcte,
- une attention correcte
- une méditation correcte.

 

Ces propos nous indiquent ceci : le mal est un fait constant dans la vie humaine. Il est à l'origine un produit du désir.
Jusque là, nous ne dépassons pas l'Hindouisme, puisque les Hindous avaient déjà adopté cette doctrine avant l'apparition de Bouddha. Son évangile d'espérance repose sur cette déclaration : bien que tout cela soit vrai, il y a un moyen de s'en sortir. Le désir peut être détruit et la voie à suivre consiste à emprunter Le Sentier du Milieu, qui se situe entre ces deux extrêmes : l'égoïsme et la plus sévère austérité.

 

Le Bouddhisme n'a jamais été à, l'origine, une religion. Aucune place, en effet, n'y était réservée à un Dieu ou à des Dieux.
Le salut qu'il offrait devait s'obtenir sans aide, uniquement par ses propres moyens.

Le Bouddha Historique a suivi ce cheminement et a ainsi atteint le NIRVANA, en se libérant des chaînes du KARMA.
Le Karma est la loi de cause à effet. Les gens sont et agissent à cause de ce qu'ils étaient et faisaient au cours de leurs précédentes incarnations.

Le Bouddhiste ne recherche pas la surhumanité ni un bonheur illusoire. Obligé de vivre dans un monde troublé, il n'aspire qu'à la cessation de ce trouble, au repos de l'âme, à la paix des sens.

 

422 - LES DEUX GRANDES ECOLES DU BOUDDHISME

 

1- Le HINAYANA ou "PETIT VEHICULE"

Plus ou moins fidèle à la doctrine philosophique et monastique prêchée en son temps par Bouddha.
Il ne considère le Bouddha, ni comme un Dieu, ni comme un être surnaturel.
Son culte ou sa vénération est utile, mais non essentiel pour parvenir au salut recherché. On doit l'atteindre par la méditation des Quatre Vérités Saintes et la stricte observance de la loi du DHARMA.
En un mot, il était préconisé de se faire moine, car on ne pouvait se plier à de pareilles exigences tout en menant une vie active dans notre monde quotidien.

Les sectes du Hinayana se trouvent à Ceylan, Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge.

 

2- Le MAHAYANA ou "GRAND VEHICULE"

Courant de pensée qui se distingue nettement de l'ancienne tradition du Hinayana en mettant l'accent sur l'aspect surnaturel de Bouddha dont le Bouddha historique ne fut qu'une manifestation.
Les sectes du Mahayana se répandirent en Inde, Népal, Tibet, Chine, Corée, Japon, Viêt-nam.

Selon cette vérité globale, tout homme participe à la nature même du Bouddha et deviendra lui-même Bouddha. Bien sûr une seule vie n'y suffit pas, mais la doctrine Mahayaniste prévoit une série d'échelons définis que l'on doit franchir un à un, avant d'y parvenir.

 

La doctrine de la métempsycose veut que l'âme humaine ("la nature essentielle de l'esprit"), à la mort, se réincarne dans un autre corps. L'avenir ne se présente pas comme totalement inédit par rapport au passé, mais représente, en quelque sorte, un retour au passé.

L'épithète de Bouddha signifie "Celui qui est éveillé", "celui qui a atteint la Buddhi", c'est à dire la Connaissance Suprême, la Vérité et qui n'est plus soumis au cycle des Renaissances

Il y a six voies de Renaissance

- Les titans : mi-hommes, mi-Dieux,
- Les hommes,
- Les guerriers -ashura- condamnés à se battre sans cesse.
- Les animaux,
- Les éternels affamés (démons faméliques) -gaki-,
- Les damnés -jigoku- (il y a différents niveaux d'enfers).


Depuis la période de MEIJI, les Tokuhon (livres de lecture pour les écoles primaires) incluent Shaka parmi les quatre grands sages de l'humanité, Shâkyamuni, Confucius, Socrate et le Christ.

423 - LES VALEURS QUI DECOULENT DU BOUDDHISME

- le sens de l'humilité et du fatalisme
- l'art de limiter ses désirs et à ne pas consommer plus que nos réels besoins: "Savoir être content avec ce que l'on a aujourd'hui et maintenant".
- une nette préférence pour le concret sur le théorique et l'abstrait.
- une forte notion de l'impermanence de toutes choses (pour Bouddha, toute chose définitive est illusion), donc le sens de la mobilité et de la flexibilité.
"Nous pouvons faire de chaque instant l'occasion de changer"(Le Livre Tibétain de la Vie et de la Mort, p.31)
- une recherche permanente de l'amélioration qui a favorisé le comportement de créativité des Japonais et conforte les notions de l'amélioration permanente qui sont à la base du Kaizen.
- Le travail est une nourriture qui permet à l'homme de livrer le meilleur de lui-même. "J'ai été choqué par la définition de KEYNES du salaire comme compensation de la peine du travail".(Prof. MASUDA)
- une valorisation de l'institution familiale sur laquelle il s'appuie. L'obligation pour chaque famille de s'inscrire sur le registre paroissial du Temple au début de l'époque EDO (1635) et pendant les siècles suivants, renforce cette tendance.

61% des familles possèdent un autel bouddhique.

Peu après la mort du Bouddha, les divinités brahmaniques furent annexées par certains moines bouddhistes, puis plus tard, la personne même du Bouddha fut conçue comme une entité divine pouvant prendre différents aspects, et tout un panthéon, tiré en grande partie de celui de l'hindouisme, s'organisa autour du Bouddha. On nomme ces aspects "TATHAGATA" (en japonais, BUTSU, NYORAI), "Celui qui est venu" ou le "JINA", "Le Vainqueur".

Les sectes du Mahayana ont généralement regroupé les divers aspects du Bouddha dans une même vénération collective. Elles les considèrent comme des expressions différentes d'une même réalité transcendantale et immanente.
Au Japon comme en Chine, on ne reconnaît en réalité qu'un petit nombre de ces Jina.

Les plus vénérés de ces grands Bouddha sont :
- Le Bouddha Historique SHAKYAMUNI,
- Un Bouddha guérisseur, BHAISHAJYAGURU, (en Japonais, YAKUSHI  Nyorai)
- Et parmi les grands Bouddha de Sagesse, AMITABHA (AMIDA, en Japonais).

Les Japonais ont pris l'habitude de vénérer la personne de Bouddha, non pas seul, mais en groupe avec d'autres expressions du Bouddha:

C'est ainsi, par exemple, que les statues de Shâkyamuni et d'Amida se trouvent placées côte à côte sur le même autel et font, symétriquement, les gestes de l'absence de crainte (Abhaya) et du don (Varada).
Shaka console les âmes sur terre, Amida les consolant dans l'au-delà. Sur la rive du fleuve de l'existence séparant la vie de la mort, Shaka nous envoie en disant : "Va", tandis que sur l'autre rive, Amida nous accueille en disant : "Viens".

De même, le Bouddha Historique peut être encadré par Amida ( le Bouddha de l'au-delà ) et par MAITREYA (le Bouddha du futur ). Ces trois statues (groupe des trois vénérables ) symboliseraient les trois mondes.

"Le Bouddha serein et le Bodhisattva KANNON prédominent dans l'art religieux de l'Asie comme le fait la Crucifixion dans l'Europe Chrétienne, mais les différences dans les dominantes qu'elles mettent en relief méritent qu'on s'y arrête. D'un coté la douleur, la lutte, le sang et la souffrance, de l'autre la sérénité, la paix intérieure, le repos, le rayonnement et la grâce ; et si la Crucifixion semble suggérer que la douleur et la souffrance peuvent apporter la libération par la foi, les œuvres Bouddhiques suggèrent que l'on peut atteindre à la foi par la sérénité et la méditation."
(Source: Arts de l'Asie par les conservateurs du Metropolitan Museum of Art)

 

43 - LE CONFUCIANISME
 

431 - L’ENSEIGNEMENT DE CONFUCIUS

Vision sur la Société humaine
Ethique de l’ordre moral et social
Hiérarchie, Education, Rites

432 - LES TROIS GRANDS PRINCIPES

- Le Principe de Hiérarchie
- Le principe d’Education
- Le principe de respect des autres et des relations sociales

"A Singapour, nous avons des valeurs confucéennes qui ne vont pas changer, l'éducation, l'épargne, le travail, le sens de la famille, son importance comme pilier de la société. Nous restons confiant dans ces vertus, qui contribueront au redressement de l'Asie » Goh Chok Tong, Premier Ministre de Singapour, 2/04/1999.

Confucius, né en 551 avant notre ère, a vécu en Chine à une époque où la situation politique et sociale du pays était en train de se détériorer. Tout au long de sa vie, il a donc été animé par le seul désir que la Famille Impériale puisse retrouver sa grandeur passée.

 

433 - LES VALEURS QUI DECOULENT DU CONFUCIANISME

Les cinq relations fondamentales qui sont la base de toute l'éthique confucéenne sont celles du souverain et de ses sujets, des parents et des enfants, du mari et de la femme, des aînés et des cadets, et celle des amis entre eux.
La dernière de ces relations était fondée sur l'égalité et devait être vécue dans un esprit de respect mutuel.
Pour les autres, L'accent est mis sur l'obéissance et la déférence du côté de l'inférieur, et sur la bienveillance et la justice du côté du supérieur.

Pour aider l'homme à vivre cette éthique, Confucius a essayé tout au long de sa vie de faire redécouvrir :

- L'importance de ce que l'on appelle les rites.
Ces rites étaient en quelque sorte des techniques de politesse.
L'homme pouvait être certain d'agir comme il fallait en s'y conformant. Il devenait alors un "homme de qualité".

- la nécessité d'un gouvernement vertueux : à savoir, un système de gouvernement qui soit susceptible d'affermir le peuple par la morale et l'instruction.
"Gouverne par la morale, contrôle par les rites."

Cependant, le Confucianisme japonais est très différent du Confucianisme chinois.

Si en Chine et en Corée la bonté est une vertu appréciée, on n'en trouve pas trace au Japon. Parallèlement, si le Japon et la Corée font grand cas de la vertu de loyauté, celle-ci n'apparaît pas dans la liste des vertus chinoises.

En outre, la signification de la loyauté n'était pas la même au Japon et en Chine.
En effet, être loyal en Chine signifiait être honnête vis-à-vis de soi-même et de sa propre conscience. Tandis qu'au Japon, dans le langage courant, il comportait en plus des notions de sincérité et de total dévouement au service d'un seigneur, dévouement qui allait jusqu'au sacrifice de soi.
"Les vassaux doivent servir et se dévouer corps et âme à leur seigneur."

Tout naturellement, au Japon, les concepts de loyauté, de piété filiale et de devoirs envers ses pairs formèrent la trilogie des valeurs régissant, à l'intérieur de la société, les rapports hiérarchiques fondés sur l'autorité, les liens du sang et de l'âge. Les ordres donnés par un seigneur importent bien d'avantage que la conscience de l'individu.

Du Confucianisme vient ce que Nakane Chie a appelé la "Société Verticale", une organisation hiérarchique de la Société basée sur les différences de statut provenant  de l'âge, du sexe, du savoir. Chacun est positionné, dans la hiérarchie, par rapport aux autres.
Les individus n'ont pas d'existence en dehors de leur statut, chacun doit savoir où est sa place et y rester. La philosophie confucéenne est extrêmement hiérarchisante.

De ce fait, l'individualisme au Japon n'a jamais prospéré. On demandait aux japonais d'obéir à leurs dirigeants, de servir leurs parents, d'honorer les aînés et d'agir conformément au courant dominant de la société.

Une société dans laquelle prévaut l'idéologie confucéenne est une sorte de "société du diplôme" ou les individus se distinguent les uns des autres d'après leur niveau de connaissance et d'éducation.
A éducation égale, par conséquent, un ouvrier cultivé jouit de la même considération qu'un Samouraï et, à ce titre, fait partie de la classe des intellectuels.

Le Confucianisme est une voie d'auto-réalisation, de perfectionnement : "Commettre une faute et ne pas s'en corriger, c'est la vraie faute".
L'homme peut se perfectionner par l'étude.

 

44 - LE TAOÏSME

Vision cosmique
Union mystique avec l’univers

Recherche de l’harmonie avec le Cosmos, la nature
Equilibre du Ying et du Yang
Contradiction, équilibre, harmonie, mouvement

En univers TAOÏSTE, le Ying et le Yang sont indissociables. Ils sont opposés mais ils s’attirent.
Rien n’existe isolément et sans son opposé. Il faut accepter la contradiction et rechercher l’équilibre et l’harmonie.
« Si vous faites une concession, vous devez obtenir une contrepartie »

L'EQUILIBRE DU YING ET DU YANG

La recherche de l’équilibre implique le mouvement et celui-ci doit être incessant.
Il y a des vérités, mais elles sont variables, provisoires car l’Univers est sans cesse en mouvement…Les contrats aussi.

Tout est « Contradiction - Equilibre – Harmonie – Mouvements ».
Ce sont les 4 Eléments Fondamentaux du Taoïsme

"Les hommes d'affaires  japonais les plus performants sont ceux qui ont compris la nécessité de rechercher l'équilibre en évitant tout excès et les perturbations liées à des écarts ou des imprudences. Leur attitude repose sur le principe d'équilibre du YING et du YANG. La dialectique du Ying et du Yang oppose deux forces qui sont conflictuelles mais aussi complémentaires, l'idéal étant de parvenir à un équilibre entre les deux.
L'opposition entre le Ying et le Yang est celle de l'alternance entre la nuit et le jour, le masculin et le féminin, le chaud et le froid, l'obscurité et la lumière. Elle joue un rôle dans la planification de l'entreprise. Les Japonais sont persuadés que l'on peut prédire les événements en sachant que toute victoire du Yin est immanquablement suivie du retour en force du Yang et vice-versa.
"
(Le Courrier de l'UNESCO - Avril 1994)

 

45 - LE CHRISTIANISME

Il n’a pas de créneau particulier et en conséquence un faible nombre de pratiquants.

Ceci peut aussi s’expliquer par la différence importante entre l’image du catholicisme donnée par la statuaire catholique du Christ ensanglanté sur la croix, rejetée culturellement par les Japonais sous l’influence du Shintoïsme, et la statuaire Bouddhique qui montre un visage de très grande sérénité du Bouddha.
Par contre les Japonais adorent se marier en robe blanche dans de fausses églises catholiques. En fait ils se marient d’abord sous le rite Shintoïste en kimonos puis dans une église de type catholique.

Dans la période de synchrétisme des religions , il y a eu assimilation par le bouddhisme de la Vierge Marie  à la divinité bouddhique Kannon qui est devenu « Marie Kannon » dont on trouve des statuettes exposées au Musée des Arts de Tokyo

 

 

5 - LES LOIS DE L'INTEGRATION DE L'INDIVIDU DANS LA SOCIETE

 

51 - LE PRINCIPE D'APPARTENANCE ET LA NOTION DE GROUPE

(Voir aussi & 122 ci-dessus)

Au Japon, seule "l'appartenance" procure une identité. Lorsqu'un homme entre dans une compagnie, il devient membre d'une corporation : une cérémonie marque même cette occasion. Normalement, il est engagé pour la vie, et la compagnie joue un rôle beaucoup plus paternaliste qu'aux Etats-Unis.(HALL)

L'entreprise japonaise n'est donc pas seulement, comme en occident, une entité économique mais de façon plus significative une organisation sociale.
La KAISHA tend, dans sa fonction même d'entreprise, à se substituer à la société.

L'entreprise, tout au moins la grande entreprise, la KAISHA, est donc devenue la base de toute l'organisation sociale du Japon.

C'est en son sein que les salariés trouvent leur identité professionnelle et sociale.
La reconnaissance de la position sociale d'un salarié dépend du rang occupé par son entreprise dans la société.
D'où cette identification profonde des salariés à leur entreprise. L'entreprise est une partie de leur vie égale en importance à leur vie personnelle.
Un salarié se présentera toujours à des inconnus, en remettant sa carte de visite professionnelle, non pas par sa qualification ou sa fonction mais par son appartenance à la firme qui l'emploie. Il sera fier de préciser qu'il appartient à SUMITOMO ou à SONY par exemple.
De ce fait, le futur employé, au moment de sa recherche d'emploi, se soucie fort peu de savoir si la firme, dans laquelle il peut entrer, vend des assurances ou des produits alimentaires. Par contre, il s'intéresse beaucoup plus au rang qu'elle occupe et qui déterminera sa propre place dans la société.

 

52 - LE PRINCIPE DE VERTICALITE

Dans toute société les individus sont réunis en groupes selon deux dimensions : horizontale ou verticale.

La dimension horizontale se base sur la fonction.
La dimension verticale sur la structure ou l'institution
.
Dans une entreprise donnée, agent de maîtrise ou directeur sont des fonctions, mais l'appartenance du personnel à l'entreprise renvoie à une structure.

La société japonaise a une structure verticale
La constitution des groupes sociaux s'effectue sur la base de l'institution. Ainsi, comme nous l'avons vu, les Japonais ont tendance à décrire un statut social en se référant à une structure-institution précise, plutôt qu'en indiquant une fonction assez vague.

La référence à la fonction est secondaire :
"Lorsqu'un japonais se tourne vers l'extérieur, c'est-à-dire lorsqu'il rencontre quelqu'un et qu'il se présente, il a tendance à insister sur l'institution dont il dépend plus que sur le poste qu'il y occupe".

Il ne dira pas : "je suis typographe" ou "je suis employé" mais "je travaille dans telle société d'édition" ou bien "j'appartiens à telle ou telle compagnie".

La référence verticale, institutionnelle induit donc une conscience de groupe intense et homogène.
De même, les syndicats sont des organisations verticales, ce sont des syndicats d'entreprise et non des syndicats par branche.
Le Japon est un pays où tout est classé comme dans le Confucianisme.
On est toujours dans un ordre de rangement au-dessus ou au-dessous.
l'homme > femme
l'homme âgé > jeune
Niveau de langage multiple : hommes - femmes.
Au Japon, il y a un ordre des choses qu'il faut garder.

 

53 - LE PRINCIPE DE DEPENDANCE : "AMAE"

531 - C'EST LA RELATION MERE/ENFANT

Il y a un moment ou le bébé ne distingue pas encore son corps du sein qui le nourrit. Petit à petit le bébé apprend que lui et sa mère sont deux êtres distincts qui existent indépendamment l'un de l'autre. Pourtant, l'expérience de la différenciation n'est souvent pas nettement tranchée, elle est beaucoup plus vague et obscure que l'idée que nous nous en sommes fait.
Sullivan, par exemple, appuie toute sa théorie du Moi sur la notion que le nouveau-né ne fait que par étapes successives la différence entre les sentiments de sa mère et les siens propres.
Lorsque la mère est maternante et tendre, le bébé se sent bien. Lorsque la mère est distraite ou anxieuse, les émotions de l'enfant reflètent cet état d'esprit.

La relation mère/enfant au Japon est projetée à l'âge adulte.
L'AMAE devient le modèle. On va donc materner l'homme tout au long de sa vie.
On va faire AMAE avec sa maîtresse d'école, son entreprise, ses clients, ses fournisseurs. On est assisté tout le temps.
En contrepartie de cette dépendance, l'individu reçoit de sa mère, de l'école, de l'entreprise, de l'état, une permanente "indulgence" : en Japonais "AMAE".

C est une société "cocon".
Le Japonais est ainsi arc-bouté sur des relations de dépendance à tous les niveaux.

Le travail de différenciation des émotions de la mère d'avec nos propres émotions, peut se prolonger et dans une certaine mesure n'est jamais vraiment terminé.
Pour être vraiment vivant dans une culture comme la nôtre, il faut grandir et mûrir, ce qui comporte un certain nombre d'épreuves. On n'en a pleinement conscience que lorsqu'on a définitivement coupé "le cordon ombilical" et que l'on a établit son indépendance envers ses parents
 

532 - C'EST UN SYSTEME DE DEPENDANCE PERMANENT

En Occident, il faut sortir de cette dépendance.
Mais pourquoi ?
Parce que, nous avons un système de valeur basé sur l'indépendance et l'autonomie
. Il faut donc trouver un système pour amener l'enfant vers l'autonomisation en sortant de la fusion.

"Le degré d'achèvement du processus varie avec les individus et d'une culture à l'autre. Dans de nombreuses cultures, les liens avec les parents, les grands-parents et même les ancêtres ne sont jamais rompus et sont même maintenus et renforcés. Je pense à la Chine, au Japon et à la famille juive traditionnelle de l'Europe Centrale, aux villageois Arabes, aux Espagnoles d'Amérique du Nord et du Sud. Dans ces cultures, l'enfant pénètre dans le monde plus vaste et plus réel des adultes, mais même dans des circonstances normales, il n'établit pas son identité séparément de celle de sa communauté. "(E.T.HALL)

Au Japon on est dans un système de dépendance permanent. Le petit enfant a tous les droits, la mère est à son service.
On n'est pas dans un processus d'autonomisation
.
Le Japonais n'éprouve pas le besoin d'échapper au sein maternel pour entrer dans l'âge mûr. La clé du comportement d'un adulte Japonais serait donc une permanente dépendance envers la mère ou envers les substituts comme les entreprises à laquelle il appartient ou l'état

Ce processus de socialisation a plusieurs conséquences :
- Une très grande maîtrise de soi des Japonais parce qu'on les a habitués à entrer dans un système de contraintes, le monde des adultes.
- Un manque de responsabilité personnelle en raison de cette relation d'indulgence
- Des périodes de régression, car le paradis perdu c'est l'AMAE de la petite enfance. Par exemple, retour en enfance le soir, avec sentimentalité excessive. C'est un phénomène de régression collective. (C'est l'explication des sorties des Japonais dans les bars le soir).
- L'individualisme a peu de place dans cette société cocon.

 

54 - LE PRINCIPE DES OBLIGATIONS RECIPROQUES

C'est la logique du don : Donner/Recevoir/ Rendre.
C'est un processus en spirale

Selon un dicton japonais : "Une seule nuit d'hospitalité vous fait contracter un "ON"", autrement dit, une dette, ce qui appelle en retour un GIRI.
Le GIRI, c'est l'obligation que l'on contracte à la suite d'une faveur dont on a été l'objet.
Recevoir donne une obligation.

Le "On" est le poids psychologique que l'on porte pour avoir bénéficié d'une faveur, tandis que le GIRI représente les rapports d'interdépendance qui se sont créés du fait du ON.

Il faut une monnaie d'échange. Celui qui concède un GIRI a un ON (avantage).
Le système du contre-don fait en permanence bouger les choses, évoluer. Il faut exploiter toutes les opportunités.

Le Japonais parce qu'il est Japonais a un devoir de GIRI vis à vis de sa japonéité, donc de son pays. C'est un devoir sans fin.
Même chose vis à vis des ancêtres, d'où l'importance du culte des ancêtres.
Même chose vis à vis des parents. Ce sont des dettes que l'on ne peut pas éteindre.

La dette vis à vis des parents est par la suite remplacée par la dette vis à vis de son entreprise.
Même chose vis de son nom, donc l'humour n'existe pas car c'est un non-respect de soi-même et de son nom.

La honte est un levier important. Attention à ne pas perdre la face ou à ne pas faire perdre la face.
L'intégration dans le groupe japonais s'effectue par le biais du système d'obligations réciproques, du jeu de dons et de contre-dons où l'on est toujours le débiteur de quelqu'un.

« Un jeune homme et une jeune fille s'aiment ; mais leur union déplaît à leurs familles.
Pire : elle détruit les alliances savamment prévues pour eux, ces mariages qui aideraient ceux auxquels ils doivent vie et survie, parents, patrons, bienfaiteurs.
En s'aimant ils font donc du mal à toutes ces personnes vis-à-vis desquelles ils ont un GIRI, une dette de reconnaissance.
"Tu m'as élevé = je t'aide à vieillir en faisant entrer dans le cercle familial la personne conforme à tes vœux".
Telle est selon la tradition, l'attitude d'une fille ou d'un fils pieux. »
"Les Dames du Soleil Levant"- Danielle Elisseef"

 

RUTH BENEDICT explique dans son livre « LE CHRYSANTEME ET LE SABRE » ce que sont les obligations contractées passivement, le ON et les contreparties de ON:

" ON : LES OBLIGATIONS CONTRACTEES PASSIVEMENT.

On reçoit un On ; on supporte un On :
On, c'est l'obligation considérée du point de vue de celui qui l'a reçue passivement.
— Ko on : le on reçu de l'Empereur.
— Oya on : le on reçu de ses parents.
— Nushi no on : le on reçu de son suzerain.
— Shi no on : le on reçu de son professeur.
— On que l'on reçoit à l'occasion des contacts noués tout au long de son existence.
N.B.: Tous ces gens dont on reçoit On deviennent les On jin, les hommes On du récipiendaire.

LES CONTREPARTIES DE ON.

« On « paie » ces dettes, on «s’acquitte de ces obligations » envers l'homme On.
Il s'agit donc des obligations considérées du point de vue de celui qui agit pour rembourser.

A. Gimu :
Même si l'on rembourse le plus complètement possible la dette dont le gimu est la contrepartie, on n'en rembourse jamais qu'une partie et on n'aura jamais fini de s'acquitter.
Chu : Le devoir envers l'empereur, la loi, le Japon.
Ko : Le devoir envers les parents, les ancêtres (et indirectement envers les descendants).
Nimmu : Devoir envers son travail.

B. Giri :
Pour rembourser la dette dont Giri est la contrepartie, on verse un équivalent mathématique à la faveur reçue et le remboursement a une durée limitée.

1. Giri-envers-le-monde.
- Le devoir envers le suzerain.
- Le devoir envers les parents par alliance.
- Les obligations envers des personnes qui ne vous sont pas apparentées, mais dont on a reçu un On : don en argent, faveur, contribution sous forme de travail (par exemple dans un  groupe d'entraide ).
- Les obligations envers des parents plus éloignés que ceux à qui l'on doit le gimu (tantes, oncles, neveux, nièces), en contrepartie d'un « on » reçu non pas d'eux-mêmes, mais d'ancêtres communs.

2. Giri-envers-son-propre-nom :
C'est là une version japonaise de die Ehre.
- Le devoir de «laver» sa réputation d'une insulte ou d'une accusation d'échec, autrement dit le devoir de se battre ou de se venger
(N.B. Cet apurement des comptes n'est pas considéré comme une agression).
- Le devoir de ne reconnaître aucune faute ou ignorance dans le domaine professionnel.
- Le devoir de respecter les convenances de la vie japonaise : observer toutes les marques extérieures de respect, ne pas vivre au-dessus de son rang social, domestiquer toutes les manifestations d'émotion dans les occasions où elles seraient inappropriées, etc."

 

55 - LE PRINCIPE DE L'HARMONIE "WA" ET DE L'EQUILIBRE

L'harmonie règle les rapports aux autres
C'est une recherche permanente de l'harmonie qui est à l'origine du "consensus à la Japonaise".
Il faut se rappeler que le WA est profondément ancré dans la culture japonaise, puisque la première constitution du Japon qui date de 604 après Jésus-Christ inscrit même le WA comme premier principe constitutionnel en faisant ressortir que c'est ce qu'il y a de plus noble, de plus précieux et de plus sacré ; et YAMATO, le nom que les Japonais donnent au Japon ancien s'écrit avec la racine WA.
En fait, le WA apparaît dès le premier siècle en Chine pour parler des Japonais que les Chinois appellent : "WA-JIN".

Le WA se trouve dans toute une série de mots et d'expressions : apaiser, doux, calme, uni, intime ou familier, modéré, faire la paix et aussi dans "WA-SEI" : "Made in Japan".
Le WA est donc le dépositaire d'une japonéité profonde.
C'est la condition de fonctionnement d'un groupe. Il apparaît comme le sens moral, l'éthique du management.

Du fait du WA, on est dans une société régulée, il ne faut pas dépasser, "Quand un clou dépasse, il faut lui taper sur la tête". Il y a un ordre des choses qu'il faut garder.

 

56 - LES NOTIONS DE PUR ET D'IMPUR

Notion fortement influencée par le Shintoïsme

« La notion de souillure, de pur et de l'impur, conditionne inconsciemment chaque acte de la vie quotidienne. Venu du fonds des temps, la répartition en l'une ou l'autre de ces catégories se fonde d'abord sur une sensation purement prosaïque : la souillure est alors essentiellement la saleté physique. C'est ensuite la répulsion instinctive pour toute atteinte à l'intégrité du corps : la vue du sang jaillissant d'une blessure est ressentie d'une façon particulièrement pénible - ceci explique bon nombre des difficultés rencontrées par les premiers missionnaires chrétiens qui, brandissant le Christ en croix, offraient à leurs fidèles ou à leurs auditeurs l'image odieuse d'un corps mutilé. Du même état d'esprit procède l'horreur de la mort : comme jadis en Grèce à Délos, on ne devait au Japon ni accoucher ni mourir à l'intérieur d'une enceinte sacrée.
La notion d'impureté, quittant le domaine strictement matériel, s'étend de là à tout ce qui cause un dommage, une destruction, la plus grave de toutes étant la destruction de l'ordre social.
»

(Source, LA CIVILISATION JAPONAISE - V. ET D. ELISSEEFF)

Les freins très importants à la transplantation d'organes (il n'y a pas eu de transplantation d'organes dans les 20 dernières années)  sont liés, entre autres,  à la notion profondément japonaise (Shintô) de naturel qui est pur et beau, tandis que l'artificiel est impur et laid. Tout apport extérieur dans le corps est donc impur et inacceptable.

 

57 - LA NOTION DE SILENCE

Les moments de silence dans les relations interpersonnelles ne signifient pas une interruption de la communication. La parole et le silence sont deux formes complémentaires de communication ;

(Voir plus haut la Notion de MA)

Chacune acquiert une signification de l'autre. Le silence est souvent aussi éloquent que le discours. Il porte en lui-même une infinité de messages. Il peut signifier l'apathie, la confusion, une hostilité réprimée, la réflexion, la tristesse ou la crainte.

L’ambiguïté confère au silence un immense pouvoir. Cette capacité du silence à provoquer autant d'interprétations diverses en fait l'une des formes les plus sophistiquées de la communication et l'une des plus grandes sources d'incompréhension.

Le Bouddhisme Zen a une influence très importante sur les relations interpersonnelles. L'un de ses dogmes est que les mots sont trompeurs, que l'intuition silencieuse est une meilleure façon de se confronter au monde et que la communication de cerveaux à cerveaux est moins fiable que la communion des cœurs au travers d'une approche intuitive des choses.

Le Japonais a besoin de temps et de silence.
Le silence est très important dans une négociation ou une discussion. Il faut savoir prendre le temps du silence. Ne pas essayer de meubler celui-ci.
Pour les Japonais, nous voulons toujours comprendre trop vite ou aller trop vite.

Pour se convaincre d'agir, un japonais a besoin d'un certain temps, d'un recul pendant lequel des éléments imperceptibles vont le convaincre d'agir ou non.

"J’ai vu plusieurs négociations échouer au Japon pour non-respect du silence" (DS)

On parle à ce sujet de la "Culture du silence" (de même que l'on parle à propos du Japon de "l'éloge de l'ombre").

Le silence est en lui-même l'objet et le but d'exercices spécifiques. Il existe des "exercices du silence".
Ils sont partie intégrante de l'apprentissage des "Arts" enseignés par les Maîtres,

Cérémonie du thé
Ikebana
Arts, peinture ZEN
Calligraphie,

et culminent dans les exercices de méditation des moines bouddhistes (en particulier Zen) et des prêtres shintoïstes où se trouvent sans doute leurs racines (Dürckheim). La méditation, base de la philosophie ZEN, permet de sentir que l’on est un élément dans le flot de la vie qui s’écoule autour de soi.

La Calligraphie comme la Cérémonie du Thé encouragent le dialogue du silence.

Bien des proverbes japonais - "Une fleur ne parle pas", "La bouche est faite pour manger, non pour parler"- renforçent le sentiment que les choses vraiment importantes sont partagées dans le silence.

ENRYO, l'attribut de l'humilité, de la modestie, de la réserve, est admiré.

Les Etats-Unis et le Japon ont des attitudes radicalement différentes vis à vis du silence et ils en font un usage distinct en tant que forme de communication.

Là où les Occidentaux interprètent le silence comme un signe d'inquiétude, d'ennui, de critique, de regret ou de gêne, comme un symptôme d'inéquation sociale et de désordre émotionnel, le Japonais a besoin de temps et de silence pour se convaincre d'agir, d'un recul pendant lequel des éléments imperceptibles vont le convaincre d'agir ou non.

Les Japonais n'ont pas vis à vis du silence la même méfiance que les Américains.
Alexis de Tocqueville qui fut l'un des premiers analystes de la culture américaine, conclue que les sociétés démocratiques tiennent la méditation en faible estime et qu'elles mettent en avant la vie active plutôt que la vie contemplative.

Edward Hall ressent les Américains comme mettant l'accent plutôt sur "le Faire" que sur "l'Etre", sur "l 'Activité" plutôt que sur "l'Inactivité" et sur "la Parole" plutôt que sur "la Pensée".

 

58 - « VALORISER DANS LA CREATION ET LE DESIGN CERTAINS DES ACQUIS
CULTURELS DU JAPON »

CONFERENCE Denis SIMONIN, KAGAWA Mars 2002 - Synthèse

Le Bouddhisme Zen exerce sur l'art une influence déterminante qui transparaît
clairement dans les peintures, les céramiques, les objets d'art populaires ou le design et l'architecture. On peut discuter sans fin de la nature de cette influence, elle est difficile à définir comme le Zen lui-même.

Dans un souci de simplification, je voudrais ne présenter ici que quelques concepts dont la mise en valeur me parait fondamentale si l’on veut valoriser dans la création et le design certains des acquis culturels du japon.

581 – LE CONCEPT D'ASSYMETRIE

Pour la philosophie Zen, la beauté n'implique pas la perfection et la rigueur de la symétrie autour d'un axe ou d'un point de fuite central, car la nature est elle-même imparfaite. Les différents éléments des peintures Zen sont disposés de façon asymétrique, les montagnes seront d'un seul coté, un personnage regardera sur le coté au delà des bords du tableau ou bien l'on aura une vision incomplète d'un arbre;

Le décorateur préférera la distorsion d'une céramique, le dallage irrégulier d'un jardin, le bois naturel ou le crépi irrégulier d'un pavillon de thé ou des murs d'un jardin Zen comme celui du RYOANJI à KYOTO, la dispersion asymétrique des fleurs dans l'IKEBANA. Au travers de ces manifestations, l'artiste Zen cherche à décrire la nature insoumise et majestueuse.

"Envisagés d'un œil japonais, palais et jardins à la française offrent deux caractéristiques étonnantes:
La première est l'application du principe de symétrie, la seconde la présence d'ornements fondés sur la répétition de motifs identiques. Qu'il s'agisse de colonnes ou de tilleuls, l'art consiste en la disposition de rangées et d'alignements, chaque élément devant être autant que possible identique aux autres, étant perçu non pas dans son individualité mais en tant que partie d'un tout. Les caractéristiques propres à chaque bloc de marbre, à chaque géranium, à chaque platane doivent, si possible, disparaître et de fondre dans la masse.
Le jardin japonais, quant à lui, exprime une philosophie complètement différente. Toute symétrie, tout effet de répétition s'y trouvent non seulement absents, mais délibérément bannis. Les pierres d'une allée seront soigneusement posées de façon dissymétrique. Chaque élément, pierre, arbre ou buisson, est choisi pour ce qu'il est, mis en valeur mais de façon telle qu'il se fonde dans une harmonie d'ensemble, nulle discontinuité n'apparaissant de l'auvent de la maison ou du temple jusqu'à la lointaine forêt sauvage.
"

582 - LA SOBRIETE

L'esprit Zen cherche à éliminer tout ce qui n'est pas nécessaire ou qui n'occupe pas la place qui lui revient comme dans la maison de thé. La cérémonie du thé vise à créer chez les participants un état d'esprit, le WABI qui comporte :
le WA  - l'harmonie
le WEI - le respect
le SEI -  la pureté
le JAKU - la tranquillité
Le Japon parle aussi du WABI SABI, la beauté tranquille et solitaire, un peu mélancolique, que peut dégager un modeste objet qui ne retiendrait pas l'attention d'un observateur occidental.

 

583 - LA RECHERCHE DE l'ESSENTIEL, DU PRIMORDIAL ET DE LA QUINTESSENCE.

Tout l'accessoire est éliminé. Cette recherche se manifeste tout particulièrement dans le concept de "Beauté née de l'usage", par exemple dans la patine d'un vieux meuble en laque. On retrouve dans ce concept l'esprit de "L'éloge de L'ombre" de TANIZAKI.

584 - LE NATUREL

Il s'agit là de la recherche à la fois du naturel et de la spontanéité. La spontanéité implique la notion d'authenticité comme la patine authentique d'un vieux meuble produit un effet totalement différent de celle d'un vernis artificiel qui aurait été appliqué dans une intention de falsification. Le naturel est avant tout synonyme de sincérité. D'ou le rejet du vieillissement artificiel d'un meuble neuf tel qu'il est souvent pratiqué en France.

585 - LA RETENUE

Ce concept fait référence à la réserve contenue dans l'art Zen, à sa manière de ne pas tout dévoiler immédiatement au regard. Le spectateur doit faire un effort pour saisir un objet dans son entité et l'apprécier à sa juste valeur.

 

6 -- LES FONDEMENTS DE LA NEGOCIATION AU JAPON

 

61 - CREER UN CLIMAT DE CONFIANCE

611 - ETABLIR LA CONFIANCE

Les Japonais n'établiront des relations commerciales avec des étrangers, qu'une fois qu'ils seront sûrs qu'ils peuvent leur faire confiance.
Pour un premier contact, il est absolument nécessaire de passer par un intermédiaire connu de l’entreprise que l’on veut rencontrer (Chambre de commerce Française au Japon, JETRO, PEE par exemple) qui établira ce climat de confiance et servira, en quelque sorte, de caution.
Le Japonais est très sensible à l'appartenance à un Uchi. Au Japon, il faut être introduit, c'est fondamental.

Lors des premières rencontres, les Japonais s'assureront d'abord de la fiabilité de l'entreprise, de la validité de ses politiques à long terme et demanderont des références. L’une des toutes premières questions que l’on m’a souvent posées : « Quel est  la philosophie de votre entreprise » ? Puis tout de suite après : « Comment pouvez vous me rassurer sur la Pérennité de votre entreprise à long terme » ?

Souvent, ils passeront des commandes "test" pour voir si les produits se vendent mais aussi afin de vérifier la capacité de l'entreprise étrangère à respecter les délais, les conditions de livraison, la qualité du produit comme de l’emballage dans les moindres détails (Les contrôles de qualité de vos produits vont bien au-delà de ce que l’on peut imaginer en France).

Au Japon, les Relations Personnelles jouent un rôle primordial. Les Japonais s'attendent, de ce fait, à des visites fréquentes et à de nombreux contacts. Ce n'est qu'après plusieurs rencontres que peuvent se bâtir de véritables relations d'affaires.

 

612 - LA NEGOCIATION

Du fait de l'importance des relations de confiance,

- le statut du négociateur est très important : l'âge (les Japonais ont beaucoup de respect pour les gens d’un certain âge), l'expérience, les titres, le statut social sont privilégiés.

- les Japonais introduisent des variables affectives et subjectives dans leur processus de décision.

- la négociation est une négociation dite "intégrative" c'est à dire "coopérative".
L'accord, au Japon, est toujours obtenu par un jeu de concessions mutuelles mais le jeu des concessions est souvent global et effectué plutôt en fin de négociation.
C'est un type de négociation "Gagnant/Gagnant".

- Il faut se rappeler que les Japonais sont attentifs au contexte. Ce qui est important pour eux c’est de pouvoir capter  et analyser tous les éléments d’une situation.
- il faut En conséquence, être préparé à donner une masse d'informations chiffrées à ses interlocuteurs ; les Japonais ont besoin d'informations.
- et lorsque l'on  a signé un contrat avec des japonais, être conscient que celui-ci pourra être changé ultérieurement si la situation et le contexte changent. Il faut donc bien comprendre l’évolution du contexte.

Un accord est donc plutôt implicite. C'est un accord de principe.Les Japonais demanderont facilement des modifications à un contrat signé si les conditions et le contexte changent.
Beaucoup de contrats japonais comportent d'ailleurs une clause spécifiant que si les conditions changent, le contrat devra être renégocié.
Pour les Japonais, un accord verbal est tout aussi contraignant qu'un accord écrit du moment où des relations de confiance se sont instaurées entre les deux partenaires. Il faut donc faire très attention, au cours d'une négociation, à ne jamais dire quelque chose que l'on ne pense pas réellement et qui  pourrait être considéré comme un engagement formel par ses interlocuteurs japonais.

 

62 - RESPECTER LE PROCESSUS DE DECISION

- Au Japon, les décisions sont prises en commun, après concertation de toutes les personnes concernées (Procédure du RINGI) ; il est important de parvenir à un consensus acceptable par tous.
De ce fait les négociations sont souvent longues. Les négociateurs japonais ne sont pas toujours en mesure de prendre une décision rapide et leur marge de manœuvre est souvent étroite. Ils doivent obtenir l'accord des autres membres de la société concernée qui ne sont pas tous présents. En revanche, une fois la décision prise, son exécution ne pose plus de problèmes et se fait rapidement.

- En cas de conflit, il convient de trouver un consensus afin de rétablir l'indispensable harmonie du groupe
Il ne sert donc à rien, au cours d'une négociation difficile, d'adopter une attitude agressive
, il est préférable de faire ressortir les points favorables ou les points d'accord entre les deux parties pour construire sur eux tout en restant cependant ferme sur sa position
Il est, de même, très important de ne pas faire apparaître les points de discorde éventuels au sein de son entreprise en face de ses interlocuteurs japonais.

- Les Japonais n'aiment pas dire "non" directement car un refus direct va à l'encontre de l'harmonie. Des réponses vagues et indirectes sans engagement concret sont généralement le signe d'une réponse négative, il faut toujours se rappeler que les Japonais ont repéré 16 façons différentes pour ne pas répondre "non".

Les équipes de négociateurs sont très structurées, elles comprennent des techniciens, des financiers, des commerciaux. Il est important, chaque fois que cela est possible, d'arriver, face à un groupe de négociateurs japonais, à deux ou à trois personnes

En univers TAOÏSTE, le Ying et le Yang sont indissociables. Ils sont opposés mais ils s’attirent.
Rien n’existe isolément et sans son opposé. Il faut accepter la contradiction et rechercher l’équilibre et l’harmonie.
« Si vous faites une concession, vous devez obtenir une contrepartie »

La recherche de l’équilibre implique le mouvement et celui-ci doit être incessant.
Il y a des vérités, mais elles sont variables, provisoires car l’Univers est sans cesse en mouvement…Les contrats aussi.

L’idée d’une opposition à la façon du Faux et du Vrai, du Oui et du Non n’est ni Japonaise, ni Chinoise.
Le Oui symbolise l’Harmonie, pas l’Approbation.

Tout est « Contradiction - Equilibre – Harmonie – Mouvements ».
Ce sont les 4 Eléments Fondamentaux du Taoïsme

 

63 - ETRE PATIENT

-  Compte-tenu de la nécessité de créer un climat de confiance et du processus de prise de décision, une négociation prend du temps.

- L'impatience comme l'émotion incontrôlée sont perçues par les Japonais comme une marque de faiblesse. IL ne faut, en conséquence, jamais donner de signes d'impatience comme, par exemple, jouer ostensiblement avec son stylo, croiser ou décroiser trop souvent les jambes, taper avec son stylo sur la table, élever la voix.

- Il faut éviter de donner des dates précises de départ car les Japonais (comme les Chinois) utiliseront cette "deadline" comme un  levier dans la négociation. Il est préférable d'annoncer dès le début de la négociation que l'on est prêt à rester le temps nécessaire pour  obtenir une conclusion satisfaisante.

- Accepter toutes les invitations à dîner, à visiter des lieux touristiques, à jouer au golf, à prendre un bain dans le plus simple appareil avec vos interlocuteurs car on se connait mieux ainsi que recouvert par des vêtements qui cachent votre personnalité (cela m’est arrivé à plusieurs reprises), etc.

 

64 - RESPECTER LE SILENCE

Ecouter, écouter, écouter.

Les périodes de silence sont très importantes et ne doivent pas être interrompues. Les Japonais aiment prendre du recul au cours d'une négociation pour réfléchir et comprendre le contexte. Le silence est l'occasion d'évaluer les propositions.

Un temps de silence précède souvent une réponse et l'interrompre, c'est prendre le risque de ne jamais obtenir de réponses ou de propositions.

 Pour les Japonais, nous voulons toujours comprendre trop vite ou aller trop vite.

 "J’ai vu de nombreuses négociations échouer par non respect du silence" DS

 

65 - ACCEPTER UNE LOGIQUE DE PENSEE DIFFERENTE

Se souvenir, au cours d'une négociation, que les Japonais sont étrangers à la logique cartésienne déductive et que leur mode de pensée passe par l'analogie et l'association.

Au cours d'une discussion, les Japonais ne seront sensibles ni à une démonstration basée sur une logique déductive ni à un argumentaire basé sur une logique analytique/synthétique. Autant la logique occidentale est linéaire et claire, autant la logique japonaise est floue. Autant les occidentaux ont tendance à penser en "noir et blanc", autant les Japonais sont confortables avec des nuances de gris.

Le système appliqué est celui de l'approche globale. Ils associent dans un ensemble les informations collectées en posant les éléments les uns à coté des autres, tout comme on associe les images d'un puzzle pour parvenir à la solution.

Le style de communication des japonais n'est pas un style direct. Un japonais essaiera toujours de collecter l'information de façon indirecte en tournant autour du sujet en cours.

Les Japonais sont de même mal à l'aise lorsque leur interlocuteur  les regarde droit dans les yeux de façon soutenue et prolongée. Ils choisiront alors de baisser les yeux ou de regarder un coin de la pièce.

Toujours commencer une négociation par les objectifs généraux à long terme et présenter ces objectifs dans leur globalité en montrant qu'ils sont interconnectés.

 N'aborder les problèmes spécifiques (coûts, prix...) qu'après avoir obtenu un accord sur les objectifs à long terme.

Les Occidentaux, à la fin d'une réunion, essaient de résumer et d'ordonner de façon logique la discussion en cours. Les Japonais, jamais. Ils considèrent qu'ordonner des faits pour autrui est une intrusion dans leur mode de pensée.

 

66 - SAUVER LA FACE

Comme dans toutes les sociétés d’Extrême-orient, il faut "préférer l'entente à l'affront".
Faire perdre la face à son ami ou à son partenaire est  une offense mortelle

Ne jamais rejeter ou refuser une proposition complètement et brutalement. Toujours dire que l'on va y réfléchir et si la décision est de refuser, le faire de façon très polie en s'excusant et en donnant toutes ses raisons.Il faut apprendre à être en désaccord sans être désagréable.

Ne jamais poser de questions sans être sûr de pouvoir obtenir une réponse. Pour cela transmettre les questions à l'avance à ses interlocuteurs japonais afin qu'ils puissent préparer leurs réponses ou rechercher les informations nécessaires.

 

67 - RESPECTER LA HIERARCHIE ET L'ETIQUETTE

Le respect de la hiérarchie est profondément ancré dans la mentalité japonaise et est affiché clairement :

L'entrée dans une pièce et les présentations se font toujours dans l'ordre hiérarchique.
La profondeur et le nombre de saluts au moment des présentations ou des adieux sont proportionnels au niveau hiérarchique
Lors d'un déjeuner, les convives sont placés en ordre hiérarchique descendant autour de la personne la plus gradée.

La direction d'une entreprise est principalement responsable de la politique à long terme et de la représentation extérieure. Les directeurs japonais ont surtout un rôle d'animateur et de médiateur.
Ils interviennent donc peu dans les négociations qui sont généralement dirigées par des cadres moyens.
Cependant tous les employés n'ont pas le même pouvoir décisionnel et il faut repérer la personne qui tranchera en cas de conflit.

Les Japonais se présentent toujours avec et à travers leurs cartes de visite, ne jamais aller dans une réunion sans cartes de visite,

c’est absolument fondamental.

Il faut donc scrupuleusement respecter le cérémonial des échanges de cartes de visite, jeter un regard attentif sur les cartes que l’on reçoit, placer les différentes cartes de visite en face de soi dans l'ordre de position de ses interlocuteurs, ne jamais ranger les cartes de ses interlocuteurs avant la fin de la réunion, ne jamais écrire sur une carte de visite devant ses interlocuteurs japonais, cela est impoli.

Les Japonais accordent une importance capitale à la ponctualité.

Il faut donc toujours être très exact aux rendez-vous, ni en avance, ni en retard, ce qui pose souvent des problèmes dans les grandes villes en raison des embouteillages. Donc prendre la précaution de partir très en avance quitte à attendre dans le hall de l’immeuble l’heure exacte de la réunion. Bien penser à donner au chauffeur de taxi le plan du lieu de votre réunion avec les points de repère proches puisqu’il n’y a pas toujours de nom de rue et que les numéros des immeubles dans les rues ne sont pas en ordre croissant mais en fonction de leur date de construction afin de ne prendre aucun risque de se perdre et d’arriver en retard. (Les portiers d’hôtel le font très bien)

Les cadeaux font partie intégrante de la culture japonaise aussi bien dans la vie privée que dans la vie professionnelle.

Il est indispensable d'offrir des cadeaux à ses interlocuteurs qui en échange offriront eux-mêmes des cadeaux de valeur  équivalente.
Attention, l'emballage compte autant que le cadeau lui-même.
Il est d'usage de ne jamais ouvrir un cadeau en présence de ses interlocuteurs afin de ne pas risquer de leur faire perdre la face si la valeur comparée des cadeaux remis était trop différente.

 

68 - PREPARER SES VISITES

Planifier ses visites longtemps à l'avance.
Les Japonais voudront être préparés et poseront de nombreuses questions sur les motifs de la visite, la société, le nombre et le rang hiérarchique de leurs futurs interlocuteurs afin de choisir de façon adéquate leur propre équipe.

Avoir une documentation complète et précise rédigée en japonais.
Pour un japonais, une brochure doit refléter la qualité et le professionnalisme de l'entreprise.

Savoir utiliser les interprètes.
Les Japonais parlent mal l'anglais. Il est donc nécessaire d'avoir recours à un interprète. Pour qu'un interprète soit efficace, il faut longuement préparer avec lui (ou elle) la réunion.

 

RECOMMANDATIONS A PRENDRE EN CONSIDERATION POUR RESTER PERFORMANT

 

1- Le Japonais a besoin de temps et de silence.

2- Les Japonais aiment la différence.

On peut adopter certains usages du Japon à condition de conserver sa propre spécificité, son propre style.
La meilleure façon d'être rejeté, c'est de vouloir trop bien faire ou de tout faire comme eux.
Une clé : c'est la sensibilité, la compréhension, l'ouverture d'esprit, le respect des usages.
Les qualités personnelles, les qualités de cœur, la façon d'agir avec délicatesse valent des amitiés solides et durables.


3- Une seule offense mortelle: Faire perdre la face à son ami ou à son partenaire.

4- Autres offenses graves :

Manquer à sa parole et ne pas tenir ses engagements,
- manquer au respect,
- manquer au sens de l'honneur.

5 - Le Japonais est toujours rigoureusement à l'heure

Donc, ne jamais arriver en retard à un rendez-vous, (ni en avance) : "L'heure, c'est l'heure".

6 - Le Japonais est très sensible à l'appartenance à un UCHI.

Au Japon, il faut être introduit. C'est fondamental.

7 - Ne pas se mettre en avant, rester modeste.

« Il ne faut pas dépasser. »

8 - Rechercher l'harmonie, le WA

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Denis Simonin